Quand on pense au design russe, on a de la peine à s’imaginer une pièce en particulier. En effet, le fait que le pays ait été marqué par le communisme durant des années n’a pas permis aux marques de design de s’épanouir comme dans les pays occidentaux. Durant les années 1920 et 1930, les objets industriels se devaient d’être robustes et suivaient la doctrine du constructivisme, où la forme était impérativement adaptée à la fonction, à l’inverse du mouvement dominant en Hollande à la même époque, De Stijl. Comme beaucoup d’artistes soviétiques, Vladimir Tatlin a abandonné l’art pour se consacrer à la conception d’objets utilitaires. La chaise Tatlin, créée en 1927, ne fait pas exception aux règles du constructivisme, avec son armature en métal chromé et son assise en bois laqué. Avec ses courbes ergonomiques, cette dernière assure un confort malgré la dureté du bois. L’armature, qui devait initialement être en bois elle aussi, est remplacée par du métal, lui assurant une durée de vie plus longue. On y retrouve les courbes parfaites qui caractérisent le style de l’artiste. Grâce à la notoriété de son créateur, cette chaise reste l’un des meubles les plus iconiques du design russe et demeure très prisée dans les ventes aux enchères.

LE CRÉATEUR

Né en 1885 à Kharkiv, Vladimir Tatlin est l’un des artistes majeurs du constructivisme. Inspiré par le fauvisme et le cubisme, il transpose ce dernier dans l’espace et pose les premiers jalons de la sculpture abstraite avec ses contre-reliefs. Son œuvre la plus connue est la maquette architecturale d’une tour qui n’a jamais été construite : le monument à la Troisième-Internationale (1920).

LE MONUMENT

Le monument à la Troisième-Internationale, aussi connu sous le nom de tour Tatlin, aurait dû, avec ses 400 mètres de hauteur, dépasser la tour Eiffel et être érigée à Petrograd, l’actuelle Saint-Pétersbourg. Il était prévu qu’il abrite les quartiers généraux de l’Internationale communiste et soit un symbole rayonnant de modernité. Avec sa forme de double hélice développée en spirale et ses matériaux industriels (fer, verre, acier), cette tour s’annonçait comme le chef-d’œuvre du constructivisme. Hélas pour Tatlin, la guerre civile et le manque de moyen eurent raison de ce projet, dont on peut toutefois encore admirer les modèles en miniature.

LE CONSTRUCTIVISME RUSSE

Au début du XXe siècle, ce mouvement avait pour mission de favoriser la création d’objets utilitaires mis au service d’une société au mode de vie socialiste. Ce courant artistique s’appliquait également au design graphique et industriel. Il se caractérisait par l’usage fréquent de formes géométriques et de matériaux de constructions modernes. Issu du regroupement des artistes soviétiques à Moscou durant la Première Guerre mondiale, le mouvement devint l’art officiel de la révolution russe.