Se produire à neuf contre un État qui fait de tant de gueules un délit. Délit de gueules jamais assez blanches, assez ou trop homme, trop ou assez femme, pour se voir constituer en bon sujet. Et si cette gueule était belle à vous en crever les yeux ? Le fard comme réponse à l’insistance des regards. Le fard est ici feutre : des épaulettes de tailleurs sont converties en des hanches extra larges, la (dark) bimbo en template. L’artiste s’empare de sa capacité à anéantir avec care un corps politique malgré lui et à engager sa refonte en un corps désiré politique : « their bodies rely on absurdity; deliberately, they honour their body and equally honour its demolition 6 ». Le visage bimboifié, Farrah Buhler endosse le rôle, hanches de feutres et bustier amovibles. L’accessoirisation comme le filtre qui grossit ses lèvres disent l’ambivalence de l’artiste face à des corps qu’il ne suffit pas d’élever en modèle de résistance pour que se matérialisent des horizons désirables. À l’heure où le style est la force motrice d’un capitalisme que l’on dit artistique 7 , Farrah Buhler s’interroge sur ce qu’il reste de politique dans les fibres qui font nos apparences. La bimbo est guet-apens ; rapprochez-vous suffisamment et un « et alors ? » vous sautera à la gorge. Puis, reculez, et vous sera tendu un miroir. Se donner à voir et faire voir en retour, renvoyer le gaze à son point d’origine, c’est dans ce ping pong des regards que se déploie la mode politique que Camille Farrah Buhler excave.
Texte: Aude Fellay, 2023


Capsule 1.83 – Dark Bimbo de Camille Farah Buhler
Halle Nord
vendredi 28 Avr 2023 au samedi 20 Mai 2023

Halle Nord
Place de l’Ile 1
1204 Genève
Suisse