A table! (Part 2) Tableaux-pièges

par 21 avril 2020À table!, Art contemporain

Quand les arts de la table s’invitent chez les artistes, la vaisselle s’accumule, on dîne verticalement, la soupe industrielle devient mythique et les bananes se changent en or. De Daniel Spoerri à Subodh Gupta, tour d’horizon des créations les plus mémorables. A table!

Lorsqu’un dîner devient éternel, nul doute: nous avons affaire aux tableaux-pièges de Daniel Spoerri.  Des restes et le dressage d’une table sont figés sur un panneau. Ils témoignent ainsi d’une époque, dans un concept à mi-chemin entre l’art et l’anthropologie. Il faut dire que l’artiste n’a pas fait chou blanc lors de son exil parisien en 1960. Dans sa chambre de l’hôtel Carcasson, Daniel Spoerri se met à rassembler des objets du quotidien qu’il colle sur un support rigide et dresse comme un tableau. Avec cette approche plastique proche du Ready-made, l’artiste capture un instant précis. En 1963, il devient comme pain et beurre avec Fluxus. Les tableaux-pièges ne restent pas en carafe, puisque, en deux coups de cuiller à pot, il crée un restaurant au sein de la galerie J., où il collecte les restes de repas qu’il colle sur un panneau en respectant rigoureusement la disposition des objets. Les cartes et tickets restés sur les tables témoignent d’une rencontre et donnent des indices sur leurs protagonistes. L’artiste cherche à désacraliser le processus artistique. Cet acte peut s’apparenter à une performance car les convives, ne comptant pas pour des prunes, se révèlent être aussi importants que l’artiste. La sauce est envoyée: le Eat Art est né. Plus tard, en 1968, il ouvre un restaurant dans la vielle ville de Düsseldorf où seront servies ses propres recettes et celles de ses amis, comprenant entre autres Joseph Beuys, Dieter Roth et André Thomkins. Avec ses acolytes, il met la main à la pâte et parodie la gastronomie de l’époque, confrontant ainsi un art de la table à un art majeur. Ces diners aux petits oignons, destinés à être consommés perdureront grâce aux tableaux-pièges de Spoerri. Il faut dire que la becquetance est du pain béni pour la création artistique depuis bien longtemps. Impliquée dans des performances lors de la célébration de culte, si l’on pense à l’eucharistie ou aux offrandes bouddhistes ou encore présente dans l’histoire de l’art avec La Cène ou encore Les Noces de Cana, la nourriture s’affiche partout. Dès le XVIIe siècle, les vanités poussent comme des champignons… Memento Mori. L’artiste, cherche-t-il à nous rappeler le côté éphémère de la vie en nous présentant ces restes de denrées s’altérant dans les assiettes et tasses des tableaux-pièges? En tout cas, la fascination de l’humain pour ces réceptacles bien garnis demeure encore aujourd’hui, comme en attestent les nombreux clichés de repas pullulant sur les réseaux sociaux. A table!

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