A table! (Part 3) Tube digestif
Quand les arts de la table s’invitent chez les artistes, la vaisselle s’accumule, on dîne verticalement, la soupe industrielle devient mythique et les bananes se changent en or. De Daniel Spoerri à Subodh Gupta, tour d’horizon des créations les plus mémorables. A table!
Lorsque la gastronomie française est destinée à nourrir une machine, Wim Delvoye n’est pas loin. En 2000 est présenté pour la première fois Cloaca, une bien curieuse machine digestive de 12 mètres de long au musée d’art contemporain d’Anvers. Créée par l’artiste belge Wim Delvoye, la machine a pour but de reproduire bio-chimiquement à l’identique la matière fécale humaine. Elle est composée de six cloches de verre, contenant des sucs pancréatiques, des bactéries, des enzymes et des acides digérant jusqu’à deux repas par jour. S’inspirant de Merde d’artiste de Piero Manzoni, étrons de l’artiste italien vendu au prix d’or, Wim Delvoye va plus loin en rendant chercheurs et chefs étoilés complices de son oeuvre! En effet, il s’est entouré de plusieurs scientifiques et ingénieurs pour la concevoir. Lorsqu’il est présenté à Lyon, le tube digestif a le privilège d’être notamment nourri par les mets ultra-raffinés de Christian Têtedoie, sacré meilleur ouvrier de France en 1996. Avec cette collaboration, Wim Delvoye semble donner un nouvel usage à l’expression ”Donner de la confiture aux cochons”. L’animal est d’ailleurs récurrent chez l’artiste: présent dans Art Farm (2003-2010), il subit même des tatouages dans Tattoued pigs (2005-2010). Mais revenons à la machine: bien qu’ayant attisé la curiosité de nombreuses personnes, elle est considérée comme scandaleuse par certains. L’oeuvre illustre le sytème digestif de l’homme – sujet plutôt tabou – et insinue que nous sommes avant tout et surtout une machine à excréments. C’est la machine à manger imaginée par Charlie Chaplin dans Les temps modernes qui lui a inspiré Cloaca. En créant un appareil à première vue inutile, il critique ainsi le marché de l’art et l’absurdité de la société de consommation. Chose paradoxale: ce sont souvent les artistes les plus valorisés par le système qui le dénoncent le plus. L’artiste ne s’arrête pas en aussi bon chemin: 200 crottes mises sous vide estampillées sous le logo Cloaca (mix entre celui de Ford et Coca Cola) sont vendus sur internet 1’000 dollars pièce. Suite au succès de cette première version, neuf autres machines voient le jour et l’artiste crée même un Wim Shop où l’on peut acheter des produits dérivé de Cloaca, allant du papier toilette au Livre.



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