Contemplation onirique

par 8 avril 2020Art contemporain

Lumière diffuse, mais pas confuse! Sur les toiles de Ma Sibo, les êtres et les objets émergent de la pénombre, tels les spectres de notre inconscient. Leurs silhouettes intrigantes nous incitent à la contemplation.

La galerie Gowen Contemporary présente la première exposition personnelle en Suisse de l’artiste chinois. Vous avez peut-être eu le plaisir de le découvrir à artgenève en ce début d’année 2020. Il faut dire que les oeuvres de Ma Sibo ont illuminé la foire genevoise par la puissance de leurs tons.

La plupart des œuvres réalisées en 2019 témoignent de l’évolution du travail de l’artiste. Les compositions se font plus épurées et sont empreintes d’une certaine spiritualité. L’isolement des protagonistes évoque un silence apaisant. La douceur avec laquelle la lumière esquisse le sujet éveille en nous l’envie de contempler longuement chaque toile. Il y a quelque chose d’extrêmement reposant et méditatif qui influence l’approche du visiteur lorsqu’il découvre ces toiles.

Left Object et Showcase 2019

Signal, 2019

Dans une atmosphère onirique, des éléments isolés se distinguent par une luminosité nocturne irréelle. Parfois, seul un rayon de lumière traverse la composition, tel le signal d’un phare perçant une épaisse brume. Ce qui est surprenant, c’est la vivacité des couleurs, alors qu’elles sont rompues, leur luminosité est foudroyante. De plus, l’artiste utilise de la peinture à l’huile, une technique au rendu moins lumineux que l’acrylique. La peinture est brossée, ce qui lui donne une texture très homogène et lisse. Cette touche absorbe la lumière, rendant la toile encore plus mate et fantomatique. Le flou est alors décuplé, tel un velours tinté d’halos fantasmagoriques.

L’impression de se trouver dans un rêve est accentuée par le large spectre de couleurs émanant de l’éclairage artificiel. On se retrouve plongé dans un univers urbain, malgré la présence de biches sur certains tableaux. Il faut dire que la palette de l’artiste est vaste. Elle va de couleurs sombres aux teintes acidulées des néons, en passant par des nuances plus lumineuses.

Cette atmosphère méditative présente dans l’œuvre de Ma Sibo fait également penser au bouddhisme, où la spiritualité va de pair avec la nature. La présence d’animaux derrière une vitrine rappelle les parcs au coeur des mégalopoles asiatiques. De même que les temples taoïstes se trouvent bien souvent au milieu de la nature. Que se soit au sommet d’une colline, au centre d’un jardin citadin ou d’une forêt. On ressent dans l’oeuvre de Ma Sibo la nature fragmentée par l’urbanisation, bien qu’il y ait une volonté des architectes de l’intégrer à tout prix dans les villes au moyen de jardins verticaux ou encore sur les terrasses culminant sur les toits des grattes-ciel.

Showcase, 2019

Nirvana,  2019

 

Sur une grande majorité des toiles de l’artiste, on ne perçoit pas d’horizon. Ce manque de perspective serait-t-il annonciateur d’un avenir incertain? Tout laisse à penser en ce moment que rien ne va plus, surtout en terme d’environnement. Ma Sibo nous dépeint-il un avenir où la faune ne sera visible que par le biais de parcs faisant office de conservatoire.

Quant aux barques, mènent-elles au Valhalla? Si l’on fait référence à L’île aux morts de Böcklin, l’embarcation s’avance vers une île dont les cyprès se dressent et dissimulent l’horizon, comme dans Nirvana, où ce qui semble être une fenêtre fait office d’obstacle physique, mais pourrait aussi être interprété comme une ouverture sur une autre dimension.

Avec ces décors abstraits, les oeuvres de Ma Sibo permettent au spectateur de projeter ses propres émotions dans une peinture. Elles rendent possible une certaine introspection méditative. Dans une approche propre aux fondements de la spiritualité en Asie, ces scènes du quotidien plongées dans une semi-pénombre apaisante nous incitent à aller chercher des réponses au fond de soi.

Angel, 2019

Night, 2019

Stand in Silence
Jusqu’au 2 Mai 2020 (Date variable selon l’évolution de la situation)
Gowen Contemporary
Rue Jean-Calvin 4
1204 Genève
Suisse

 

Partagez cet article:

Plus d’articles

Pascal Vonlanthen, Prix solo artgenève – F.P. Journe 2024

Pascal Vonlanthen, Prix solo artgenève – F.P. Journe 2024

Mercredi soir, la manufacture F.P. Journe a décerné le prix Solo artgenève –F.P. Journe à Pascal Vonlanthen, représenté par la galerie Lovay Fine Arts. À chaque édition, la manufacture récompense la meilleure exposition monographique.

Valkyrie Mumbet, ou hommage à la liberté

Valkyrie Mumbet, ou hommage à la liberté

Les Valkyrie, sculptures monumentales de Joana Vasconcelos, rendent hommage aux femmes et à l’artisanat propre à chaque culture. Pour cette douzième édition d’art Genève, la galerie Gowen contemporary a décidé d’y installer Valkyrie Mumbet, en collaboration avec Indosuez Wealth Management et Harsch.

Zofia Pałucha: négatifs narratifs

Zofia Pałucha: négatifs narratifs

Dans des mises en scène aux couleurs inversées, les dernières toiles de Zofia Pałucha narrent des instants de vie provenant de sources diverses. L’artiste polonaise nous livre une œuvre engagée autour des préoccupations de notre société actuelle.