Dernier paysage
Texte inspiré par la série de peinture Dernier paysage de l’artiste suisse Sébastien Mettraux.
Dans une atmosphère post-apocalyptique se dessinent les derniers paysages de notre existence. Loin des collines verdoyantes et des immeubles qui rythmaient auparavant notre quotidien, nous ne reverrons plus la lumière du jour. Nous vivons à présent reclus dans des bunkers et des abris antiatomiques. Confinés, nous évoluons entre barils et cartons contenant les vivres nécessaires à notre survie. Dans une palette de gris ponctuée de tuyaux colorés, nous nous évertuons à garder la tête froide, notre environnement ne comportant plus que le strict minimum vital, il devient difficile de s’en évader. Bien loin est le temps où l’eau coulait abondamment de nos montagnes, finis les déjeuners sur l’herbe sur un sol non contaminé. L’époque où la saveur laiteuse des huîtres caressant nos papilles et les bulles du Deutz émoustillant notre palais à Noël paraît définitivement révolue. Dorénavant, une série de néons éclairant notre abri se substitue aux traditionnelles guirlandes lumineuses. Leur lumière crue découpe ce paysage de désolation, lui conférant ainsi un contraste venant rompre la monotonie des nuances de gris. Parfois, nous pouvons nous imaginer que le sol miroitant d’une salle est un lac de montagne où se reflète un ciel coloré par les fumées d’une démonstration aérienne, une illusion créée par les conduits de couleurs vives parcourant le plafond. Dans une balade imaginaire, le linoléum sous nos pieds devient alors un oasis, les robinets, une chute d’eau et les tables du réfectoire, une aire de picnic où l’ombre du ventilateur de plafond nous rappellerait vaguement un avion.
L’utopie d’un monde ne se disputant pas les denrées alimentaires et les métaux précieux ne semble plus qu’un lointain souvenir. Comment en sommes-nous arrivé là? La convoitise de l’uranium qui a causé notre perte avait commencé au Sahel. D’ailleurs, l’épaisse bande de peinture jaune se prolongeant sur toutes les parois du bunker rappelle l’infini de ce desert traversant le continent africain d’un bout à l’autre. Il y a quelque temps nous assistions aux prémisses d’une vie cauchemardesque où les températures commençait à avoisiner les cinquante degrés en Europe. On nous l’avais bien dit, mais personne n’a écouté. Maintenant, notre dernier horizon sera la peinture bleue qui orne les murs du tombeau dans lequel nous nous trouvons.
Dernier paysage, du 18 juin au 18 août 2022
BRIDDERHAUS
1 Rue Léon Metz
4238 Esch-sur-Alzette,
Luxemburg

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