Femmes sculptrices: Berlinde de Bruyckere
Avec ses sculptures intrigantes, l’artiste belge Berlinde De Bruyckere évoque la fragilité de l’homme, la souffrance physique mais aussi les forces de la nature. L’utilisation de matériaux naturels insuffle vie dans ses oeuvres, les rendant à la fois dérangeantes et énigmatiques.
L’artiste rend les distorsions des formes organiques obsédantes, qu’il s’agisse de l’humain ou de l’animal. A l’opposé de ce qu’on voit sur les réseaux sociaux, elle veut rendre visible les blessures et les failles de notre épiderme. Ainsi, l’artiste confronte le spectateur à sa propre finitude. Le travail de Berlinde De Bruyckere est résolument organique. Pour obtenir ce résultat si saisissant, elle se sert à la fois de moulages en cire, de peaux d’animaux, de cheveux, de textiles, de métal mais aussi de bois. Inspirée par Lucas Cranach l’Ancien, Berlinde De Bruyckere peint la peau en trois dimensions. Plusieurs couches de cire peintes au pinceau sont nécessaires pour créer cet effet si troublant.
L’iconographie du martyre
Berlinde De Bruyckere a représenté la Belgique lors de la biennale de Venise en 2013. Elle y a présenté Cripplewood (2012-2013), une sculpture monumentale de 17 mètres reproduisant le supplice de Saint Sébastien. Ici, le Saint a fusionné avec l’arbre auquel il était normalement attaché. L’artiste trouve beau l’idée de la métamorphose, le fait qu’une entité puisse grandir dans une autre. Cela cristallise pour elle une vision d’espoir et de futur. D’ailleurs, elle explorera ce thème tout au long de sa carrière, tout en s’inspirant de la mythologie Gréco-romaine et des scènes bibliques. L’explication de ce choix de sujets résulte peut-être de son éducation dans une institution catholique très stricte où elle a découvert les iconographies religieuses.
Textiles engagés
L’artiste s’est toujours tournée vers une œuvre engagée. A 15 ans déjà, elle intègre l’école d’art de Saint-Luc ou elle se forme à la peinture classique qu’elle abandonne par la suite pour se consacrer à l’art textile et aux installations. En 1993, lors de sa première exposition à Anvers, elle travaille avec des couvertures usagées. Inspirée par les tapisseries médiévales, mais surtout par des photos de réfugiés, l’artiste considère que l’on ne devrait jamais jeter de couverture. On naît et meurt dedans, il y a plein de choses à raconter avec cet objet. La couverture peut même avoir une connotation sacrée si l’on pense au Saint Suaire.
Depuis l’artiste n’a cessé d’utiliser des matériaux vivants reflétant nos fêlures. Son art, résolument humain, sublime la fragilité de la vie, mais aussi la lutte et la résilience dans ses sculptures mêlant à la fois barbarie et poésie.
Cripplewood (2012-2013)
Dates clefs
1964, fille unique d’un couple de bouchers, elle naît à Gent e n Belgique.
1986, elle obtient son diplôme de peinture à l’école d’art de Saint-Luc.
1993, première expo à Anvers, elle travaille avec des couvertures usagée.
2003, ses oeuvre sont exposées dans le pavillon italien de la biennale de Venise.
2013, elle représente la Belgique à la biennale de Venise.
2020, sa sculpture Arcangelo II, fait partie de la collection permanente de la Hamburger Kunsthalle.

Arcangelo II, 2020

In Flanders Fields, 2000

Anderlecht III, 2018

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