Fluides dantesques
En cette période de canicule, l’eau est toujours source de ravissement. L’artiste genevois Alain Riad a fait de cet élément un véritable outil de création pour ses dessins. Dans des mondes imaginaires esquissés à l’encre, les questions environnementales prennent la forme de scènes à la fois satyriques et poétiques.
Diplômé de l’école des arts décoratifs de Genève, Alain Riad a toujours pratiqué le dessin. La plupart des images qu’il crée dépeignent des mondes imaginaires dans lesquels l’observateur peut laisser vagabonder son imagination. En effet, les éléments qui y figurent font office de symboles, permettant d’évoquer des sensations ou des impressions face au monde réel dans des sortes de projections tantôt utopiques, tantôt angoissantes. La nature, l’absurde, l’irréel et la solitude sont des sujets récurrents chez l’artiste. Pour lui, il ne s’agit pas de donner des réponses, ni de donner des leçons, mais d’exprimer les émotions et préoccupations qui le traversent tout en laissant suffisamment de place à l’imagination de l’observateur.
Civilisation, 2024
Dualité acidulée
Exposée à la Fonderie Kugler en 2024, la série de dessins Hydromantia se caractérise par des couleurs acidulées, fluorescentes, évoquant les bonbons de notre enfance, qui contrastent avec la gravité des thèmes évoqués. La dualité Homme/Nature et les contradictions avec lesquelles nous composons pour continuer à vivre – quitte à maintenir un système que nous savons destructeur – ont inspiré ces illustrations. Leur caractère onirique donne l’impression d’être immergé dans un rêve, comme si les conséquences du dérèglement climatique et de la surexploitation demeuraient encore trop irréelles ou impalpables, mais qu’on pouvait en ressentir la menace, de même que des signes d’espoir.
Pour réaliser ces dessins, l’artiste fait couler de l’encre sur le papier, laissant des espaces vides. La composition abstraite qui en résulte lui suggère alors une image ou un concept qu’il détaille au stylo et à la plume. L’improvisation reste une part importante de son procédé créatif, que ce soit pour l’illustration ou la musique qu’il pratique également.
Phare, 2024
Vagabondage apocalyptique
On retrouve l’utilisation de ce procédé dans la série Errance, où une brume d’encre se dissipe par endroit, laissant apparaître un paysage. On le retrouve les préoccupations sur la question environnementale dans Fracture (2023), une faille abyssale semble séparer une ville d’une forêt. Comme si nous avions atteint un point de non-retour et qu’il serait maintenant impossible de réconcilier l’homme et la nature. Dans Phare (2024), cet éclaireur des mers vertigineux se dresse au-dessus d’une surface d’eau qui semble solide. Sa structure éventrée par le temps ne tient plus qu’au moyen de piliers de soutient. On ne sait pas si le phare est englouti par l’eau ou s’il en émarge. Est-ce vraiment de l’eau ou du sable? Avec la disparition de certaines mers, on pourrait aussi imaginer que cet édifice incarne le témoignage d’un temps révolu, où toute trace de lac et de point d’eau aurait disparu dans un futur dystopique. On observerait ainsi les vestiges des fondements de notre société de consommation s’éroder dans un océan de sable.
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