Glacée dorée
Pour la première fois en Suisse romande, Joana Vasconcelos est présentée à la galerie Gowen Contemporary. Après un aperçu à art genève, nous étions impatients de découvrir la suite de l’exposition. Pensée de façon muséale, les œuvres de l’artiste portugaise s’épanouissent dans cet accrochage exceptionnel. On y retrouve toute son extravagance et sa générosité.
Comme à son habitude, Vasconcelos joue avec des matériaux issus de l’artisanat dans une symphonie de couleurs à la fois vives et douces. On retrouve ses célèbres animaux en céramique recouverts de dentelle en crochet fait main, une technique qu’affectionne particulièrement l’artiste car elle évoque aussi un travail domestique. Elle puise dans le savoir-faire traditionnel lusitanien mais s’inspire également des tâches quotidiennes des ménagères, allant du tricotage à la cuisine. On se souvient de Marilyn (2009), une paire d’escarpins géants composés d’une bonne centaine de casseroles.
Mais revenons aux sculptures d’animaux: elles donnent un second souffle aux moules de la manufacture de Rafael Bordalo Pinheiro. Ce sculpteur est au Portugal ce que les Lalannes sont aux Français, le bestiaire de ce premier faisant partie du paysage artistique du pays depuis le 19ème siècle. La dentelle habille l’animal d’une seconde peau, le sublimant tout en le dissimulant, ce qui ouvre un large champ d’interprétation sur des thèmes de société. Par exemple, cet habillage peut être perçu comme une prison pour l’animal, nous renvoyant à des thèmes tels que le poids des apparences. On peut aussi faire un rapprochement avec la protection des animaux, thème qui n’a jamais été autant d’actualité avec l’essor du véganisme ces dernières années. Surnommée la Jeff Koons lisboète, Joana Vasconcelos n’hésite pas à sortir des sentiers battus en ce qui concerne le choix des matériaux pour ses sculptures. Il y a quelques années, l’artiste nous a surpris avec La fiancée (2005), un lustre monumental composé de 25’000 tampons périodiques. Comme son nom l’indique, ce dernier évoque la virginité par son blanc immaculé, mais aussi les tabous qui subsistent malheureusement encore autour du corps de la femme. Présenté pour la première fois à la Biennale de Venise en 2005, il est refusé lors de son exposition au château de Versailles en 2012. Néanmoins, Joana Vasconcelos reste pour l’instant la seule femme et la plus jeune artiste à avoir été exposée à Versailles.