Le corps dématérialisé
Si l’on voulait concentrer dans un seul et même espace les dernières préoccupations à propos de son existence, l’exposition “Zwei kühle Zwergelefanten fressen Einfühlungsüberschuss mit Pfirsicharoma “ d’Yves Netzhammer au Haus Konstruktiv répond parfaitement à ce challenge! L’artiste nous convie à un voyage oscillant entre le numérique et l’analogique.
Dans un jeu de structures en bois et en métal mêlant formes imprimées en 3D et éléments numériques, l’artiste zurichois interroge notre rapport à notre propre corps. Ces deux dernières années, notre immersion dans le monde numérique s’est accéléré. Les avancées technologiques ont rendu possible ce nouvel échappatoire qu’est le metaverse. Certaines installations de l’exposition ont un lien direct avec la dématérialisation du corps, en particulier Objektarbeit (2019) avec les ballons soutenant une structure métallique faisant office de corps: la tête étant projetée sur un ballon de baudruche blanc au sommet. Fonctionnant comme une vanité du futur, l’œuvre nous ramène à la fragilité de notre enveloppe charnelle et ses failles. En effet, la structure reposant sur quatre ballons donne l’impression qu’elle peut éclater à tout moment. Serait-ce mieux de devenir une donnée immatérielle ne craignant ni la mort, ni la maladie? Une chose est sûre, l’engouement pour le monde virtuel n’a jamais été aussi présent. L’installation immersive “Zwei kühle Zwergelefanten fressen Einfühlungsüberschuss mit Pfirsicharoma“ (Deux cool éléphants pygmées bouffent un surplus d’empathie à l’arôme de pêche) met en lumière notre enclin à se fondre dans le virtuel, puisque le spectateur est filmé, puis intégré dans l’œuvre durant un court instant.
Mais ne sommes-nous pas déjà dans une sorte de bulle? Le monde du travail ne nous pousse-t-il pas à nous rendre d’un endroit à un autre de plus en plus rapidement, sans vraiment interagir avec notre environnement? Cela se ressent dans l’installation mettant en scène des vidéos d’animation où l’on découvre un mannequin articulé pour dessin dans différentes situations très banales, reflétant l’ennui de notre quotidien. Dans une des projections, on découvre le portail d’Auschwitz faisant écho à une installation de la salle principale: un amas de membres artificiels. Est-ce le résultat d’une existence vouée au monde professionnel? Arbeit macht frei? Pas sûr, car le fait d’avoir utilisé un mannequin insipide, sans trait distinctif, nous rappelle à quel point nous sommes remplaçables, à quel point nous disparaissons dans l’infini du virtuel.
Zwei kühle Zwergelefanten fressen Einfühlungsüberschuss mit Pfirsicharoma, une exposition traitant de la condition humaine par le prisme des nouvelles technologies , jusqu’au 15 janvier au Haus Konstruktiv
Haus Konstruktiv
Selnaustrasse 25
8001 Zürich
+41 (0)44 217 70 80
http://hauskonstruktiv.ch/









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