Magique Brandon Gercara
Alliant avec brio art plastique et militantisme, l’artiste réunionnais Brandon Gercara bouscule les codes et apporte un souffle de liberté à la communauté LGBTQIA+. Dans son œuvre, les créatures mythiques deviennent les héroïnes d’un récit à la fois contemporain et inclusif. Immersion dans une odyssée Queer.
Nou lé la
Créateur de la première pride à la Réunion en 2021, l’artiste Brandon Gercara a su visibiliser la communauté LGBTQIA+ de l’île à travers ses œuvres et ses actions politiques. A la fois artiste engagé et militant, iel comble un manque de représentation Queer en incarnant des personnages cassant les codes de l’hétéronormativité. L’idée de la transformation, il la puise dans le Drag qu’il mêle savamment à la culture créole. On retrouve cette notion dans la série de photos issues de Majik Kwir (2021), en collaboration avec Ugo Woatzi, où les cérémonies en rapport avec l’eau, typiques de la culture réunionnaise, sont détournées. Ainsi, iel lutte contre l’homophobie et déjoue la masculinité en interprétant des divinités féminines.
Mjik Kwir, 2021
L’odyssée Majik Kwir
Comme iel s’évertue à l’expliquer, la culture réunionnaise manque cruellement de représentation de la communauté Queer. Avec Majik Kwir, un projet conçu pour un festival de film, l’artiste s’inspire de livres de contes, de BD et de films de science-fiction pour créer une œuvre pluridisciplinaire. Mais commençons par le titre : iel a choisi d’utiliser le créole comme langue principale dans la narration de la vidéo et du livre. Brandon Gercara a décidé d’écrire le mot « Kwir » de cette manière, afin de le rendre créole, car il n’y a pas de terme non péjoratif pour dire homosexuel dans sa langue maternelle.
Dans la partie vidéographique de Majik Kwir, on suit une créature non binaire nommée Bloom, née de la lave du volcan le Piton de la fournaise. Créée en même temps que l’irruption de ce dernier, cette œuvre est un véritable cri de colère. En collaboration avec Ugo Woatzi pour les photos et Emma di Orio pour les illustrations, l’artiste attribue des pouvoirs magiques aux personnes LGBTQUIA+. Il les représente en créatures mystiques telles que des sirènes, nymphes des cascades ou chimères volcaniques.
Dans le premier chapitre de cette odyssée, se déroulant à l’époque coloniale et dans un futur hypothétique, deux esclaves s’enfuient et créent le « Kwir Dome » un refuge dans les montagnes qui s’affranchit de toute discrimination. Cette histoire est en lien direct avec celle du marronnage. Les protagonistes s’y libèrent des préjugés raciaux et sexuels dont ils ont été victimes.
Lip Sync & engagements politiques
Avec Lip Sync de la pensée (2020), Brandon Gercara réalise un lip sync sur des extraits de prises de paroles de trois féministes : Asma Lamrabet, Françoise Vergès et Elsa Dorlin. De cette manière, l’artiste théâtralise des discours intersectionnels basés sur les études féministes, LGBT et postcoloniales. Mais l’artiste n’en reste pas là! Avec le projet PD pour demain, iel crée un parti politique fictif, se réappropriant les insultes dont il fait l’objet quotidiennement. Dans le monde réel, iel a créé l’association Requeer qui archive les actions artistiques, scientifiques et sociales des luttes LGBTQIA+ de l’île de la Réunion. Lauréat du programme ONDES à la cité des arts de Paris en 2023 et accueilli au salon Montrouge en 2022 ainsi qu’à la biennale de Casablanca, Brandon Gercara n’a pas fini de faire parler d’ellui et de ses combats pour un monde plus juste.
Lip sync de la pensée, 2020
