Ligne de fuite

par 24 août 2021Art contemporain

Pour la rentrée, la galerie Gowen Contemporary nous accueille dans un tout nouvel écrin. Avec leurs entremêlements végétaux, les oeuvres de l’artiste suisse Sébastien Mettraux répondent parfaitement à celles de Yayoi Kusama. Les formes semblent s’échapper de leur cadre pour se propager dans la pièce, nous entrainant dans une échappée belle picturale.

Située à quelque pas de son ancien espace d’exposition, la galerie a élu domicile au 23 Grand rue de la vielle ville de Genève. A mi-chemin entre le petit musée et la galerie, ce nouvel espace entièrement rénové répond mieux aux attentes de sa fondatrice Laura Gowen. Ainsi, la nouvelle ligne directrice de la galerie peut être dévoilée. Dans la continuité des expositions précédentes, les oeuvres d’artistes contemporains feront écho à des chefs-d’œuvre qui ont forgé l’histoire de l’art contemporain. Le travail des artistes s’inscrit de cette manière dans une temporalité permettant de mieux appréhender leur travail.

Galerie Gowen Contemporary, 23 Grand-Rue, Genève
Sans titre (In Silico n°14)

Structures hasardeuses
Dans la série In Silico, Sébastien Mettraux laisse place à l’aléatoire tout en se basant sur une structure végétale existante. Ces nouvelles compositions arborent ainsi une apparence plus abstraite que la série Vanité, bien que l’on pourrait considérer la Untitled (Vanité n° 8), comme une oeuvre clé annonçant ce nouveau virage. Les vaisseaux sanguins présents sur cette toile présageaient déjà les méandres de la série In Silico. Dans un monde à mi-chemin entre le végétal et l’organique, la nature se développe et crée des compositions aériennes, dont les fonds célestes peuvent aussi être interprétés comme des dégradés non figuratifs. Certaines œuvres semblent plus aquatiques ou métalliques, si l’on observe Sans titre (In Silico n°14). L’aléatoire de ces compositions rappelle les motifs créés par les Infinity Room de Kusama, dessinant, par leurs reflets dans les miroirs, des structures s’apparentant à des fractales.

En se libérant de la rigueur mécanique des Ex-Machina, l’artiste suisse a pris plus de plaisir à peindre. En se détachant de l’exactitude des tons et en s’abandonnant à la couleur, il insuffle une écriture bien plus émotionnelle et personnelle. La plupart des toiles ayant été créées durant la crise du Covid, l’artiste a pu se plonger en son propre intérieur, le libérant ainsi sur la toile. 

Plantes envahissantes
Envahissants comme une mauvaise herbe, les silos de la première toile de la série In Silico semblent chercher à s’enfuir de leur support. On pourrait faire un parallèle avec la pandémie, bien que cette peinture a été commencée tout juste avant le Covid. Est-ce que ces tons inquiétants en étaient les annonciateurs ? Une chose est sûre, c’est qu’ils reflètent bien l’ambiance trouble de cette période. Les tentacules végétaux esquissent un mouvement qui n’est pas sans rappeler les serpents ornant la tête de Medusa. Leur débordement, accentué par le cadrage serré, fait également écho à Death of an Illusion (2001), la sculpture de Yayoi Kusama à l’entrée de la galerie. La tige de la fleur se propage dans la pièce tel un serpent. Bien entendu, l’envahissement nous raconte tout autre chose chez Yayoi Kusama, si l’on pense à la série Accumulation Sculptures. Composée d’objets de la vie quotidienne parsemés de formes phalliques en tissus empaillées, ces installations avaient pour thème la consommation de masse, le machisme et la position de l’homme dans notre société. C’est sans doute pour cela que les formes intrusives grimpent sur les murs et finissent par envahir entièrement l’espace.

Série In Silico de Sébastien Mettraux
Yayoi Kusama, Compulsion Furniture (1964) au Moderna Museet
Yayoi Kusama, Accumulation No. 1 (1962) au MoMa
Sans titre (In Silico n°11)
Sans titre (In Silico n°8)

STATEMENT – ESCAPE LINE
Yayoi Kusama, Sébastien Mettraux
Du 26 août au 23 octobre

Gowen Contemporary 
Grand-Rue 23
1204 Genève
http://www.gowencontemporary.com/

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