Ovni soviétique

par 22 janvier 2025Architecture

Véritable Ovni architectural, le monument de Bouzloudja est un authentique joyau du brutalisme soviétique. Faisant office de mémorial, il s’est dégradé au fil du temps après la chute du communisme. Aujourd’hui, le plus grand défi reste à préserver cet édifice qui incarne si bien la mémoire d’un passé que l’on souhaitera oublier.

Conçu par l’architecte Georgi Stoilov, pour commémorer l’histoire du Parti communiste bulgare, le monument de Bouzloudja a été inauguré en 1981 par Todor Jivkov, alors leader du Parti communiste bulgare. Érigé à l’endroit même de son fondement par les socialistes bulgares mené par Dimitar Blagoev, qui se réunissaient en secret sur le Pic Bouzloudja en 1891, ce monument reste l’un des symboles architecturaux les plus emblématiques de cette période.

Cérémonie d’inauguration du monument de Bouzloudja, le 23 août 1981.

Son architecture ronde donne l’impression qu’il s’agit d’un vaisseau spatial venu se poser au sommet du Pic culminant à 1400 mètres d’altitude. Avec une tour haute de 70 mètres faisant office de phare, on pouvait presque allouer des attributs sacrés à ce bâtiment. Visible jusqu’à 300 mètres à la ronde, les deux étoiles couleur rubis, composées de verre synthétique s’illuminant la nuit sont aujourd’hui l’un des rares symboles communistes intacts en Bulgarie. Ayant un diamètre de 12 mètres, ces étoiles étaient éclairées de l’intérieur de la tour par une série de 32 projecteurs et alimentés par un générateur assez grand pour alimenter 500 maisons.

 

Pour construire ce géant de béton, il a fallu s’armer de patience : durant sept ans, 6’000 hommes se sont affairés pour la structure, puis, 20 artistes composés de peintres et de sculpteurs renommés ont loué leur talent pour la décoration intérieure durant 18 mois. En effet, l’élément le plus spectaculaire reste la monumentale mosaïque circulaire sur les murs des parties intérieures et extérieures de l’auditorium. Ces œuvres glorifiaient les instants les plus significatifs du Parti communiste. Parmi les visages, se trouvaient Marx, Lénine ou encore Engels.

 

Recouvrant 510 m2, l’élaboration de la mosaïque de la salle de cérémonie a nécessité 35 tonnes de verre de cobalt et de smalt importé d’Ukraine. Avec ses 42 couleurs différentes, les pièces ont été assemblées par 60 artisans, pour recréer les scènes dessinées par les 14 artistes-peintres. Pour la mosaïque sur l’anneau extérieur, les motifs ont été créés à l’aide de pierres naturelles, collectées dans des rivières autour de la Bulgarie. Au centre du dôme intérieur de 60 mètres de diamètre, une troisième pièce de mosaïque a été créée, soit un emblème de marteau et de faucille couvrant une superficie d’environ 5 m2, décoré d’or scintillant et éclairé par des projecteurs. Positionné au-dessus de la salle de cérémonie, le symbole était accompagné de la citation du Manifeste communiste: «Prolétaires de tous les pays, unissez-vous!»

Cérémonie d’inauguration du monument de Bouzloudja, le 23 août 1981. Photo: Bdros Azinyan.

Quelques années après sa construction, le bâtiment a été laissé à l’abandon, après la chute de Todor Jivkov, le 9 novembre 1989. Il fut définitivement fermé en 1992. Depuis, le vol de matériaux dont le toit qui était composé de 30 tonnes de cuivre et le vandalisme ont détérioré le bâtiment, soumis aux intempéries. Il a tout de même attisé la curiosité de nombreux pratiquants de l’urbex. Bien que cet édifice rappelle des souvenirs que l’on souhaiterait oublier, il reste un lieu de mémoire. En 2015, le Bouzloudja Project créé par la jeune architecte Dora Ivanova, s’est lancé la mission de préserver ce lieu et de lui donner une nouvelle fonction. Pour l’instant, une équipe d’experts stabilisent les 1’000 mètres carrés de mosaïque avec les produits les moins invasifs possibles.

Photo: Bedros Azinyan, 1981
Mosaïque en verre de cobalt
Photo: Darmon Richter, 2016
Photo: Nicola Miller

Suivez le Chat

A lire aussi

Dans la plupart des musées, il est d’usage de cacher son dépôt dans les sous-sols de son établissement. Au musée Boijmans Van Beuningen de Rotterdam, le Storage est au cœur de toute l’attention, puisqu’il réside au sein d’un bâtiment monumental en forme de vase dont les parois sont entièrement miroitantes.

Quand on pense au design russe, on a de la peine à s’imaginer une pièce en particulier. En effet, le fait que le pays ait été marqué par le communisme durant des années n’a pas permis aux marques de design de s’épanouir comme dans les pays occidentaux.