Retour au XXe siècle
Au début du siècle précédent, on ne considère pas vraiment que la photographie ait un socle commun avec la peinture et la sculpture. D’ailleurs, elle n’accède au rang de forme d’art que depuis peu. A l’origine, elle est plutôt utilisée à des fins commerciales, scientifiques et documentaires: portraits, cartes de visites… En effet, par ses caractéristiques propres qui l’ancrent dans la réalité, on attend d’elle qu’elle ne représente ni plus ni moins ce que l’on voit. C’est grâce aux nombreux artistes qui se sont livrés à l’expérimentation que la photographie a pu se trouver une place de choix dans l’art. Son évolution s’inscrit dans le sillon du modernisme et se poursuit jusqu’à nos jours où les oeuvres diluent volontiers les frontières entre sculpture, peinture et photographie.
Tout semble commencer en 1905: Alfred Stieglitz – lui-même photographe – ouvre the Little Galleries of the Photo-Secession à New York (rebaptisée par la suite Galerie 291). Exposant d’abord des photographies picturales, cet espace va au fil des années devenir un lieu incontournable de l’art moderne. En effet, la galerie est l’une des premières à mettre sur un pied d’égalité art classique, art moderne et photographie. Cette proximité avec des oeuvres allant de Picasso à Rodin en passant par Cézanne et Matisse n’est pas innocente dans l’évolution de la photographie vers l’abstraction. D’ailleurs, les ressemblances entre les premières photos dites abstraites et les oeuvres peintes de l’époque témoignent bien de cette influence.
Expérimentation photographique
Déjà à l’époque, il existe une multitude de façons de faire de l’abstrait en photographie. Du simple jeu de cadrage aux interventions dans la chambre noire, de plus en plus d’artistes se mettent à expérimenter. Certaines techniques génèrent de nouveaux noms et sont intégrées à des mouvements artistiques et intellectuels. C’est le cas du vorticisme: un courant contestataire anglais (1913- 1917) dérivé du futurisme et du cubisme. Les photographies abstraites d’Alvin Langdon Coburn sont le résultat d’expérimentations réalisées avec Ezra Pound, membre fondateur du mouvement. En combinant à l’objectif de son appareil des miroirs, il crée le vortographe. Ce dispositif produit des photographies fragmentées de reflets, à la manière d’un kaléidoscope, rappelant les oeuvres de cubistes tels que Max Weber.