Sublime «Matières Fécales»

par 8 octobre 2025À la une, Mode

Pour ce deuxième défilé à la Fashion Week de Paris, Matières Fécales poursuit son odyssée créative avec des silhouettes hors du commun. Dans une ambiance gothique féérique avec Nikki Lilly comme mannequin invitée, la maison poursuit son odyssée queer et inclusive en proposant des tenues spectaculaires transformant les personnes qui les portent en œuvres d’art vivantes.

Des anges dérangeants

Pour la collection printemps-été 2026, la maison de couture revient avec un défilé qui bouscule les codes du luxe. Reprenant des looks monochromes composés de rose poudré, de noir et de blanc, qui pourraient devenir l’ADN de la maison, la palette de Matière Fécales s’est enrichie de bordeaux lumineux ainsi que des touches de Denim. Dans un balai de l’étrange, les mannequins évoluent devant le public avec une démarche inspirée des créatures des ténèbres et prennent des poses que l’on pourrait qualifier de dérangeantes sur une bande-son sur mesure. À chaque passage, ils bousculent des arrangements monumentaux de roses assorties aux premières tenues du défilé, apportant une touche gothique romantique au décor. Intitulée Hannah, en hommage à la créatrice, cette collection est à la fois sublime et troublante.

Pour la collection automne-hiver 2025, présentée en mars 2025, les créateurs de la Maison, Hannah Rose Dalton et Steven Raj Bhaskaran avaient déjà annoncé la couleur. Pour leur première collection, le col prenait de la hauteur, le cuir avait remplacé les dentelles des fraises d’antan. Tels des guerriers des temps troublés, les mannequins aux silhouettes androgynes défilaient sur des notes de Mahler ; leur démarche figée donnait l’impression qu’ils se déplaçaient en flottant. Cela nous donnait l’impression de se situer dans une temporalité parallèle. Dans une colorimétrie réduite, allant jusqu’à gommer l’iris de certains mannequins avec des lentilles noires recouvrant l’intégralité de l’œil, seul quelques monochromes d’un rose délicat et de rouges vifs viennent troubler les looks composés essentiellement de valeurs.

À cette occasion, les créateurs s’étaient mis en scène dans un bal gothique futuriste en mouvement. L’absence de pilosité sur leur visage leur donnait des airs d’Alien, chose qu’ils revendiquent. Chez eux, le hors norme devient un statment. On le ressent partout, dans le choix de la scénographie et du lieu, mais aussi dans la proximité des mannequins avec le public, qui, en évoluant à leur côté, ont l’air de créatures sorties d’un conte queer futuriste.

Couture engagée

Il serait difficile de ne pas souligner le nom de la maison, qui sonne comme une gifle au luxe et à la tendance Old Money ambiante. Appeler ainsi son entreprise n’est pas anodin. Les deux créateurs ont souhaité faire de Matière Fécales une marque inclusive et engagée, aux valeurs profondément « Body positive ». Dans un retour à la minceur extrême, Matière Fécales se démarque des autres défilés de la fashion week. Des mannequins de toutes les couleurs et de toutes les corpulences subliment les créations. Bien loin des diktats hétéronormés, les créateurs ont su créer une mode qui va bien au-delà de sa fonction initiale. Elle devient un agent révélateur de la singularité qui réside en chacun de nous.

Mais l’engagement de Matières Fécales ne s’arrête pas aux questions identitaires, il questionne aussi la surconsommation due à notre mode de vie occidentale. Les tenues créées par la maison ne s’inscrivent pas dans une tendance que l’on oubliera dans quelques mois, mais constituent de véritables œuvres textiles intemporelles.

Cyberpunk raffiné

Dans un jeu de matière raffiné oscillant entre matières nobles et tissus synthétiques de très bonne facture. Ornées de roses, les silhouettes de l’été 2026 arborent des jeux de transparences créés par des drapés d’organza. La soie est quant à elle travaillée de manière droite, donnant ainsi naissance à des tailleurs et des robes au tombé structuré, terminé par des escarpins Louboutin au talon courbé vers l’extérieur. On se souvient du final spectaculaire de la collection automne-hiver 2026, avec une mariée, dont les cuissardes transparentes ressemblant davantage à des prothèses qui auraient pu être conçues par Berlinde de Bruyekere. Dans la collection Hannah, on retrouve les picots qui ornent les manchettes en cuir des tenues hivernales, conférant aux tenues des airs cyberpunk raffinés.

De manière générale, Matière Fécale a su casser les codes du luxe avec savoir-faire exceptionnel. Est-ce peut-être ça la réconciliation entre les genres que tout oppose ? Faire dialoguer le beau avec la laideur, le sage avec le déstructuré, afin d’abolir la binarité du monde, reste une mission que seul l’art et la création peuvent rendre possible.

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