Cycle théâtral

par 15 octobre 2019Art contemporain

Comme si elles occupaient une scène de théâtre, les sculptures à mi-chemin entre l’installation et la performance de Dorian Gaudin dialoguent entre elles. Chacune dans son coin, elles prennent vie lors de la venue d’un visiteur. Lever de rideau sur l’exposition Futurs flirts de la galerie pact!

© Grégory Copitet

L’envers du décor
Evoquant le rideau d’une scène de théâtre futuriste, une plaque curviligne de résine naturelle sied au dessus de nous. Ses tons évoquent un couché de soleil. Retenu par une poulie, ce ciel de résine surplombe l’ensemble des installations, plantant ainsi le décor. On aperçoit à travers le verre artificiel la structure métallique de l’oeuvre rappelant également l’environnement urbain dans lequel nous évoluons chaque jour. Le dégradé régulier entre le jaune et le fuchsia témoigne d’une maîtrise parfaite de la matière par l’artiste. On pourrait presque penser qu’il s’agit d’une production industrielle. En effet, chez Dorian Gaudin, le thème de la production industrielle – représenté notamment par des chaînes de montage – est récurrent dans ses installations.

Métal hurlant
En face, une composition métallique ayant l’air d’avoir souffert! Il s’agit d’une sculpture murale en aluminium recouvert d’une couche de peinture d’un jaune intense. La structure en métal est d’abord frappée et déformée par l’artiste. Il y a une véritable interaction physique avec ce dernier et la matière. A ce stade de la création, il ne fait plus qu’un avec son oeuvre. Par la suite, la pièce est sprayée avec une peinture matte créant ainsi un monochrome totalement uni avec très peu de reflet, au contraire des carrosseries de voiture ou d’avion habituellement brillantes. Pour finir, une couche de chrome est propulsé de manière spontanée sur cette surface, cassant le côté lisse et parfait de l’aplat de couleur. Il y a ici un travail en ”négatif”: contrairement à John Chamberlain, le métal est ajouté à la fin du processus, créant un jeu de lumière saisissant. Cette succession d’étapes éveille des sentiments contradictoires chez l’artiste: maîtrise et spontanéité, colère et concentration. Il en résulte une véritable antithèse entre la violence destructrice et le calme propice à la création. Cette série d’oeuvre fonctionnent comme une danse entre l’artiste et le métal mais aussi une volonté d’interrompre le cycle de production industriel, car le résultat final est unique.

© Grégory Copitet
© Grégory Copitet

Cycle mécanique
Les installations cinétiques de Dorian Gaudin intriguent. L’une d’entre elles s’enclenche alors que nous pénétrons dans la galerie, l’autre fonctionne toute seule. A la manière d’une performance, elles créent un concerto de sons mécaniques. Chaque installation inclut un élément végétal artificiel, illustrant ainsi un débat on ne peu plus d’actualité. Au fond de la galerie, on découvre un petit arbre évoluant sur une chaîne de montage. Il effectue un circuit et se dresse fièrement en arrivant au sommet de l’installation, puis, arrivé à la fin du tapis, chute brusquement. Effet de surprise garanti! Le mouvement est répété à l’infini, créant ainsi une attente dans le cerveau humain, comme lorsqu’on observe ces fameuses vidéos de satisfaction sur internet, ou encore le flot d’eau perpétuel d’une cascade. Dans un monde où l’avenir est incertain, un cycle continu comble le besoin humain d’être rassuré.

Cette action perpétuelle évoque aussi notre monde de consommation, allant jusqu’a mécaniser et rendre artificiel la culture des plantes. Comme si les végétaux, produits massivement, étaient réduits à n’être que de simple marchandises ou une création quelconque de l’homme. Le bouquet de fleurs représente bien cette agriculture nouvelle, où les fleurs sont modifiées génétiquement afin d’en améliorer les propriétés. On pense notamment à ces variétés produites aux Pays Bas, dont la résistance au froid a été renforcée. Aussi, on ne peut s’empêcher de penser au cycle de la vie. Le flirt, donnant naissance à une relation perpétuant la présence humaine sur la Terre.

Futur flirts, jusqu’au 19 octobre.
Galerie pact

(NDLR) Dorian Gaudin sera à nouveau exposé à la galerie PACT en janvier 2020, en duo avec l’artiste allemand Robert Janitz.

© Grégory Copitet
© Grégory Copitet

Partagez cet article:

Plus d’articles

Artistes typographes

Artistes typographes

Si l’on parle de typographie, on ne se peut s’empêcher d’évoquer l’incontournable Adrian Frutiger ou encore les mouvements du Bauhaus et de Stijl. Mais à regarder de près, les graphistes ne sont pas les seuls à se cantonner au dessin de lettre! Bien des artistes ont su utiliser cet art graphique pour délivrer leurs messages, qui parfois est devenu un véritable moyen d’expression. Quand le langage rencontre l’art, la typographie flirte avec la poésie.

Le sucre n’est pas une récompense!

Le sucre n’est pas une récompense!

Ce mois de décembre, Yann Marussich investit Le commun avec une exposition pamphlétaire sur le sucre dans l’industrie agroalimentaire. L’artiste performeur et ses invités ont imaginé des sculptures, vidéos et performances mettant en garde contre cet additif addictif qui s’est immiscé sournoisement dans notre alimentation depuis plus d’un siècle.

Matières complémentaires

Matières complémentaires

Pour l’exposition L’intranquillité, la galerie Baart a créé un dialogue entre les œuvres de Michael Rampa et Christian Gonzenbach. Dans des jeux de matières propres à chacune de leurs techniques, les deux artistes suisses créent de nouvelles narrations à partir d’éléments déjà existants.