Le sucre n’est pas une récompense!
Ce mois de décembre, Yann Marussich investit Le commun avec une exposition pamphlétaire sur le sucre dans l’industrie agroalimentaire. L’artiste performeur et ses invités ont imaginé des sculptures, vidéos et performances mettant en garde contre cet additif addictif qui s’est immiscé sournoisement dans notre alimentation depuis plus d’un siècle.
Les préoccupations de Yann Marussich autour du sucre ne datent pas d’hier, déjà en 2015, il présentait La Chaise, une performance en trois volets mettant en scène trois personnes assises sur une chaise de sucre qui finit par s’écrouler à cause des coulures de sang suintant des protagonistes. Le décor est planté. Le vernissage de l’exposition débute avec la funeste performance La disparition, où l’artiste, dont le corps est bandé telle une momie, disparaît dans un sarcophage de sucre en poudre. Cet hommage aux victimes de maladies liées à la surconsommation de sucre dans notre société n’a pas pour but de blâmer les personnes s’octroyant des instants de douceur, mais vise à incriminer la pharma et l’industrie agroalimentaire.
Tout comme les œuvres d’art présentes dans cet accrochage à la fois sublime et morbide, ce poison cristallin pourrait paraître inoffensif, voire attrayant. Dans les sculptures de Gaetano Costa, le message est clair : le toxique est séduisant. Les teintes acidulées du cyanure versé sur des bustes de sucre nous incitent à toucher ou déguster ces derniers comme les bonbons qui, jadis, égayaient notre enfance. Oui, le sucre est sexy. Il sert à masquer le goût médiocre des aliments pré-cuisinés, mais aussi à nous rendre accros. La diversité des œuvres présentées dans Le sucre n’est pas une récompense est à l’image du nombre infini de produits où ce dernier se dissimule. On notera qu’il y a aussi presque autant de mots pour le qualifier que de manière de l’introduire dans notre alimentation.
Au premier étage, dans Le cabinet de curiosités, se déploie toute l’étendue des formes que le sucre peut prendre. L’artiste genevoise Lorédane Straschnov l’a sublimé dans son installation évoquant une Cène inattendue. Ici, il se mue en collier ou en lustre gothique surplombant une table sur laquelle des hyènes confectionnées de sacs de sucre dévorent des gâteaux. Une interprétation à la fois cruelle et poétique de ce problème sociétal qui illustre bien l’addiction que l’on peut entretenir avec ce produit.
Dans un autre registre, l’artiste français Philippe Berson évoque de manière frontale avec ses sculptures anthropomorphes l’issue fatale où nous conduira notre surconsommation de sucre. Ses œuvres, pouvant faire office de Kolossoi contemporains, rappellent à quel point notre existence est fragile. Dans cet accrochage, l’allégorie de la mort vomit du sucre, la pétrifiant dans l’espace où elle se situe. Comme si notre conscience, ou un double, essayait de nous mettre en garde de la létalité de notre mode de vie, mais que nous ne l’écoutions pas.
Cette tension palpable entre le sublime et le morbide, nous la retrouvons dans les photos de Sarah Maitrot. Ses clichés illustrent bien la proximité qui subsiste entre attirance et répulsion. En effet, le sang présent sur certaines prises de vue pourrait s’apparenter a priori à de la confiture. Le sucre, qui nous maintient dans une léthargie gourmande, est en train de nous tuer à feu doux.
A découvrir jusqu’au 22 décembre à l’espace Le Commun.
Rue des Vieux-Grenadiers 10, 1205 Genève
Evénements: https://www.yannmarussich-event.ch