L’empreinte de la mémoire

par 7 avril 2023Art contemporain, Femmes sculptrices

Pour l’exposition L’utile et l’agréable, l’artiste Jeanne Tara prend possession des murs de la galerie andata.ritorno en créant une installation In Situ qui ne pouvait pas mieux se prêter au lieu.

En effet, l’artiste se questionne sur l’histoire de ce bâtiment industriel construit en 1885. Jadis, ce dernier abritait une imprimerie, dont le sol rouge et les murs jaunes ont d’entrée de jeu refroidit Joseph Farine, le fondateur de la galerie. C’est en 1981 que cet espace s’est transformé en véritable laboratoire d’art contemporain accueillant – avec plus de 300 expositions à ce jour – des centaines d’artistes émergeants. 

Ce printemps, les parois d’un blanc immaculé deviennent l’écrin de notre mémoire. En effet, Jeanne Tara s’est appropriée l’histoire du lieu par le prisme de l’architecture. Elle y a incorporé des ornements datant de périodes antérieures à l’édifice, mais aussi des éléments architecturaux provenant d’autres lieux, comme ce toit d’église en faïence. En extrayant des éléments et en les regroupant dans un espace de manière anachronique, l’artiste met en avant leur fonction à la fois utile et agréable.

Quant aux moulures accrochées aux murs, elles sont composées de cire d’abeille, un matériau que l’on imaginerait plus propice à la fonction de matrice. Serait-ce une manière d’évoquer la fragilité de la mémoire ou l’importance de conserver notre histoire en protégeant son décor? Le choix de la cire d’abeille n’est pas anodin car il rappelle les vertus protectrices et conservatrices de ce nectar. Un fait d’autant plus d’actualité compte tenu de la raréfaction des abeilles. En pensant à ces ouvrières de la pollinisation, on peut faire un parallèle avec le travail des ouvriers essentiels à la pérennité de nos villes et de nos infrastructures.

Des empreintes de végétaux figés dans la cire dévoilent leurs veines et l’anatomie qui les caractérisent. Y a-il une volonté, par ce procédé de conservation,  de transmettre à la génération future la mémoire d’une végétation vouée à disparaître?

Mais revenons au bâtiment abritant andata.ritono. Des fragments de moulures en plâtre sortent du sol, évoquant des ruines. Certaines semblent être extraites de la voûte de la cathédrale Saint Pierre, d’autres esquissent des formes plus organiques. Sous une luminosité jaune vive, une maquette de la galerie suspendue dans le vide éclaire un mur, tel un phare. Le choix de l’orienter face au mur semble augurer un futur incertain. Serions-nous en pleine dystopie, contraints d’éclairer le néant alors que nous naviguons tels des fantômes dans un océan infini? L’avenir nous le dira.

Jusqu’au 8 avril 2023
andata.ritorno
Rue du Stand 37
1204 Genève

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