Michel Huelin: modélisations picturales
Multiple, curieuse, passionnée et novatrice, voici quelques termes qui qualifieraient à merveille la pratique de Michel Huelin. Depuis plusieurs décennies, l’artiste fait partie intégrante du paysage romand de l’art contemporain.
Les créations aux tons acidulés de Michel Huelin créent un dialogue entre le monde numérique et réel. Dès l’âge de 16 ans, l’artiste se rend à Art Basel chaque année. Il s’imprègne du monde de l’art, alors qu’il passe son baccalauréat scientifique, pour ensuite intégrer les Beaux-Arts. Lors de ces études, il fait de la nature et de l’environnement ses premières préoccupations. En pleine recherche artistique, son intérêt pour les maquettes et la bichromie naît en 1980, année où les prouesses informatiques ne sont qu’à leur balbutiement. Est-ce l’annonciation d’une nouvelle méthodologie de travail?
L’incendie
Un jour, en 2001, tout brûle. Son atelier, situé alors à l’avenue Rosemont, et tout son contenu disparaissent dans les flammes d’un incendie criminel. Après cet épisode douloureux, Michel Huelin commence à s’interroger sur la conservation et l’archivage. D’ailleurs, certains de ses travaux partis en fumée n’avaient pas encore été photographiés. Les seules traces qui restent de ces œuvres disparues sont les préparations réalisées avec Photoshop. Ce malheureux incident lui donne un nouveau point de départ, car il s’initie à un logiciel de modélisation 3D, et commence de nouvelles recherches. De cette manière il oscille entre une pratique numérique « au bureau » et picturale à l’atelier.
Installation, 1987, peinture sans support
Images immatérielles
Ces dernières années, Michel Huelin a réalisé une quantité innombrable d’objets et de textures en 3D dont il conserve la trace dans un livre. Depuis toujours, il s’intéresse à l’immatérialité. Déjà, lorsqu’il étudiait aux Beaux-Arts en 1985, il réalisait des peintures sans aucun support, un travail qu’il poursuivra dans les années 1990. Ces camaïeux de couleurs pures annoncent son appétence pour la réalisation d’objets qui donnera par la suite naissance à ses Sculptures-peintures, des tableaux monochromes bifaces, dont la tranche épaisse, ornée de coulures permettent à l’œuvre de tenir toute seule debout. Avec ces traces de peinture sur la tranche, on devine la couleur, souvent complémentaire, de l’autre face du tableau. La peinture devient objet, comme une prolongation de ces toiles bichromiques représentant des meubles ou des maquettes architecturales. Le lisse, caractéristique de sa peinture, se traduit par une volonté de ne pas avoir de trace de pinceau, effaçant ainsi le peintre. Depuis toujours, l’artiste a choisi de ne pas représenter le corps dans sa peinture. Il a décidé de ne pas mettre l’homme au centre de son art. De cette manière, l’humain disparaît pour laisser place à la nature.
Diversity, 2003, jet d’encre sur Scotchal, Université de Genève, Fonds cantonal d’art contemporain, Etat de Genève
Écosystèmes numériques
Composé d’œuvres physiques et numériques, le travail de Michel Huelin s’apparente à un organisme vivant qu’il nourrit perpétuellement. En 2003, il réalise Diversity, une fresque vitrifiée pour le bâtiment d’Uni Science III (Genève) où il met en scène des insectes et plantes en voie de disparition. Dans des écosystèmes numériques, le vivant prend des allures psychédéliques et futuristes. Ici, on imagine un biotope artificiel résultant des diverses manipulations de l’homme sur la planète. L’organique et le végétal, dont on peine à distinguer la frontière, évoluent dans des décors aseptisés, célestes ou encore architecturaux.
A découvrir au Musée jurassien des Arts de Moutier, 23 mars au 22 juin 2025