Femmes sculptrices: Monica Bonvicini

par 13 juin 2023Art contemporain, Femmes sculptrices

Avec ses sculptures, l’artiste Monica Bonvicini dissèque les symboles du patriarcat et du pouvoir pour en révéler leur fragilité. Son œuvre résolument engagée, questionne le spectateur sur sa perception du genre et son influence dans notre société.

En détournant des objets du quotidien, l’artiste déconstruit les structures traditionnelles de nos sociétés patriarcales. Elle s’intéresse également à la manière dont sont intégrées les notions de genres. Dans les installations de Monica Bonvicini, on retrouve souvent des menottes, des chaînes et des ceintures. Elle instaure ainsi un rapport de force entre le supposé dominant et dominé. De fait, la dualité dans les œuvres de l’artiste est récurrente, qu’il s’agisse du masculin-féminin, de la contrainte-liberté ou encore du publique-privé. Monica Bonvicini rappelle par ailleurs qu’on est loin d’avoir obtenu l’égalité salariale, ni l’égalité en matière de droit, si l’on place son regard à l’échelle mondiale.

Notre vision d’un genre est souvent influencée par de simples détails. Dans I Cannot Hide my Anger (2021), la plasticienne se penche sur notre perception des individus dans le monde du travail: « Quand un homme se fâche, il exprime son autorité, quand c’est une femme, elle perd le contrôle. » L’artiste nous avait déjà prévenus avec sa vidéo Hammering Out (an old argument) (1998-2013), où l’on voit une main féminine munie d’un marteau détruisant un mur blanc. Selon elle, il faut taper toujours au même endroit pour détruire les vieilles structures.

Coup de ceinture
Monica Bonvicini utilise des ceintures en cuir noir – objet parfois punitif – pour en faire des hamacs (Belt Swing, 2005) ou des canapés (Belt Couch, 2014). De cette manière, on s’assoit sur la domination paternelle. Présentée cette année à Art Basel, l’installation Never Again (2005) au nom explicite prend ses quartiers parmi les œuvres les plus remarquables d’Unlimited. Non sans rappeler les pratiques sadomasochistes, cette dernière est composée de pièces de cuir, parfois perforées, soutenues par des chaînes et harnais formant douze hamacs aux allures de balançoires érotiques. Comme une illustration du pouvoir masculin dans l’architecture, Never Again emprunte des éléments appartenant au monde du bâtiment.

Revendications nuancées
Bien que l’art de Monica Bonvicini soit très revendicatif, la masculinité n’y est pas seulement synonyme d’oppression, ce qui en fait toute la subtilité et la richesse. Dans les Fleurs du mal (pink) (2019), l’artiste illustre l’inconstance de la virilité. Sur un porte-bouteilles détourné façon Marcel Duchamp, des formes phalliques pendent mollement. La délicatesse de leur teinte et la finesse du verre évoquent des fleurs organiques qui pourraient se faner à tout moment.

Comme quoi, le pouvoir repose en partie sur l’apparence. Cette fragilité exploitée par les rouages cachés du consumérisme, on la retrouve dans Untitled (Rolex) (1999), où l’artiste met en évidence que le statut social fait partie intégrante de l’identité masculine.

De cuir ou de verre, les sculptures de Monica Bonvicini poussent le spectateur à remettre en question les structures sociétales dans lequel il évolue. À (re)découvrir à Art Basel Unlimited!

Never Again, 2005

Dates clefs

1965, naissance à Venise
1992, obtention de son diplôme au California Institute of the Arts de Los Angeles
1999, obtention du Lion d’or à la Biennale de Venise
2005, obtention du prix de la Nationalgalerie de Berlin
2009, première exposition au MoMa PS1
2020, obtention du prix Oskar Kokoschka

Chainswing Belts, 2022
Fleurs du mal (pink) , 2019
Belt Swing, 2005

I do You, 2022

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