Jeu de peau

par 28 novembre 2024À la une, Art & société, Art contemporain

Parfois rose poudrée, diaphane, parfois luisante, la peau est par sa texture une réelle source d’inspiration pour les artistes. Explorée sous un angle abstrait, sensuel et rituel, voici quatre artistes qui ont su sublimer l’épiderme.

Peaux synthétiques

Dans un vocabulaire abstrait, l’artiste lettonne basée à Paris Daiga Grantina puise son inspiration dans le corps humain et le paysage. Ses sculptures énigmatiques, composées majoritairement de matériaux synthétiques, évoquent les changements structurels des organismes et des environnements. Souvent suspendues, elles occupent l’espace de manière inattendue, alternant entre éléments transparents et opaques, créant ainsi des structures fragiles et solides à la fois. C’est particulièrement le cas avec Cloud Woman (2022), une sculpture dont la composition semble être figée dans le temps. A l’image d’une éclosion, des membranes disposées de manière vaporeuse, s’apparentant à des pétales se déploient dans l’espace. Leurs tons rosés leur confèrent un aspect organique tandis que les parties blanches, rappelant une coquille d’œuf, structurent l’ensemble.

Cloud Woman, 2022, Daigan Grantina

Peaches

Mi-fruit, mi-organe adipeux, le moulage Fruits défendus – Les chayottes (2006) ne laisse personne indifférent. A la fois répulsif et attirant, il interroge notre rapport au désir. Céline Cadaureille, docteure en art plastique, est engagée dans ses recherches théoriques et plastiques auprès du laboratoire CIERC. Dans son travail, elle moule et recompose les stéréotypes qui collent à l’image de la femme. On regarde avec les yeux, mais on aime avec nos mains. Souvent, ce qui est désirable sexuellement ne correspond pas au critère de beauté standard. Ici, ses pêches aux courbes exquises incitent à croquer le fruit défendu.

Fruits défendus – Les chayottes, 2006, Céline Cadaureille

Rubber Doll

Réalisée durant le lockdown de 2020, la série Rubber soul concentre toute l’essence du travail du duo de photographes Formento + Formento, un couple New-Yorkais composé de Richeille Formento, graphiste et son mari BJ Formento, photographe. Leur univers est empreint d’un glamour hollywoodien revisité. Proche de l’esthétique des photos de mode, les clichés du duo mettent en scène des femmes aux airs d’héroïnes de films noirs à la sensualité débordante dans des décors où le temps semble figé. La série Rubber soul, créée essentiellement avec des Love Dolls, explore le thème de la vallée de l’étrange. Ici, les poupées ne viennent pas combler un désir masculin. Elles mènent leurs propres existences en incarnant un érotisme surréaliste. Il y a quelques jours, BJ Formento m’a avoué que la photo I’ll Get You Yet est sa préférée de la série. A la fois intime et dérangeante, ce cliché brouille les pistes. On ne sait pas si l’infirmière accouche d’une de ses semblables, ou s’il s’agit d’une orgie saphique. Le fait que certains de ces corps artificiels soient démembrés questionne aussi sur la place que l’on accsorde au corps de la femme dans notre société. Souvent fétichisé et maltraité, il nourrit l’imaginaire collectif de stéréotypes, à travers la publicité et le cinéma.

I’ll Get You Yet, 2020, Formento + Formento

Poupée de cire, poupée de sang

Dans une esthétique épurée, tout de rose poudré, les photographies de l’artiste Marta Zgierska sont à la fois belles et dérangeantes. Avec une certaine fragilité, elle explore la féminité et ses codes actuels de manière inattendue. Un regard à la fois complice et critique sur l’iconographie féminine du 21ème siècle. Lauréate du prix HSBC en 2016, Marta Zgierska est l’une des photographes les plus prometteuses de sa génération. La série Votive Figure fait référence aux offrandes votives. Les ex-votos ont pour but de demander protection ou guérison, la plupart du temps, à la Vierge Marie. Ces offrandes se matérialisent parfois par une figurine de cire anatomique. Ici, l’artiste s’enduit de cire et dédie des parties de son corps à un nouveau culte: celui de la beauté. L’inconfort causé par la chaleur de la cire sur sa peau symbolise le sacrifice. Avec cette esthétique lisse et sans imperfection, cette série de photos illustre tout à fait l’importance que les femmes accordent à la beauté.

Votive Figure 1, 2019, Marta Zgierska

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