Menu de Noël

par 24 décembre 2020Art contemporain, Billet d'humeur

Mon sapin est vert fluo, comme ceux entreposés dans Quicksand 2, l’arrière boutique d’Armelder, repérée il y quelques années au Mamco. J’y accrocherai un coeur chromé semblable à Hanging Heart (1994 – 2006) de Jeff Koons dont le noeud doré me fait penser aux queues interminables dans les magasins bondés en cette période de fêtes. Un paradoxe alors que les salles de spectacles demeurent fermées. Non, cette année le père Noël n’exaucera pas mes voeux car je ne pourrai ni aller écouter Evgeny Kissin au Victoria Hall ni entendre les notes d’allégresse du Lemanic Modern Ensemble.

Cette année, les invités sont triés sur le volet, ce qui réduit considérablement le nombre d’invitations. Nous sommes bien loin de Carte Blanche (2010), l’installation de Michele Robecchi, dans laquelle 450 cartes d’artistes exposés précédemment à la galerie Analix Forever ornaient des sapins. Du coup, c’est plus pratique pour les cadeaux. Comme chaque année, j’ai décidé d’offrir exclusivement des oeuvres d’art et des créations de designers locaux emballés avec amour. S’il y en a un qui maîtrise l’art d’emballer, c’est bien Christo! Disparu mai dernier, il me rappelle mon dernier voyage à Londres où nous avions eu l’occasion d’admirer son Mastaba sur le lac Serpentine. 

Il ne faudra pas oublier d’épousseter le lustre de Frank Kerdil qui lui, n’est pas composé de 25’000 tampons périodiques comme La fiancée (2005) de Joana Vasconcelos, mais de pales en plastique découpées évoquant des cascades. Sur la table, je dispose une bougie au centre d’un miroir circulaire, comme I grew up in solitude and silence (1991) d’Olafur Eliasson. Cela résumera bien l’année et s’accordera parfaitement à l’ambiance de la soirée. Dans une grande surface, j’ai failli me laisser tenter par les assiettes de Toiletpaper, mais cela aurait été plus dans le thème en mars. Il faut dire que le merchandising a le vent en poupe, on va même jusqu’à ressusciter Basquiat sur tous les supports possibles et imaginables. Mais bon, ma porcelaine préférée restera toujours les assiettes d’Ai Weiwei, aux motifs narrant l’actualité.

Il est temps de préparer le repas. Je me rends compte que j’ai empilé les casseroles comme Sudoh Gupta et que si je ne sors pas la dinde du frigo, elle sera aussi bleue que Fire (2017), le gallinacé dans le four de Christian Gozenbach. Je descends à la cave et attrape un magnum de Cheval Blanc. Le porte-bouteilles de mon père est tellement bancal qu’il serait bien plus utile s’il perdait sa fonction initiale comme celui de Duchamp. A travers la lucarne, j’entr’aperçois une nuit étoilée digne de Van Gogh. Cette année, le Champagne n’est pas emballé par une Balloon Venus. Espérons que 2021 nous apportera d’autres millésimes.

En rentrant, je me saisis d’un plateau laissé par inadvertance sur le radiateur. Oh malheur! Je constate que les étoiles en chocolat, censées orner le désert, ressemblent à celles de Jean Arp maintenant! Décidément, nous sommes bien loin de la régularité des astres de Frank Stella. On sonne à la porte. Le premier des huit convives autorisés est arrivé. Il a toujours la banane le tonton Alfred. Le diner se déroule comme prévu. Les entants on décidé de baptiser la nappe façon Pollock tandis que les adultes finissent par ressembler aux Nana de Nikki de St-Phalle à l’issue du repas.

Thé ou Café? La réponse est majoritairement favorable à l’arabica. Je me résigne à préparer une immense cafetière à l’image de celles de Nicolas Party et range la théière métallique dont la chaîne ornementale m’évoque Pendulum (2017) d’Etti Abergel. 

Il faudra quand même faire la vaisselle, même si Daniel Spoerri n’aurait pas été du même avis. Il faut dire que, face à ce monticule, j’ai l’impression de me retrouver devant une installation de Robert Therrien. Il va falloir sortir les boîtes de Brillo

John Armleder, Quicksand 2, 2013
Jeff koons, Hanging Heart,  1994 – 2006

Jean Arp, L’étoile, 1969

Frank Stella, Frank’s Wooden Star, 2014
Robert Therrien, No Title (Stacked Plates), 2010
Tableaux-pièges de Daniel Spoerri
Andy Warhol, Brillo Box, 1964

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