Porno chic
Dents de scies, rose poudré… comme dans un ballet contemporain, la révolte se fait en toute légèreté. Lorsqu’il s’agit de lutter contre la violence, l’artiste militante Lyz Parayzo ne manque pas d’aplomb. Avec vaillance, elle envoie valser les préjugés qui subsistent à l’encontre de la communauté LGBTQ+.
Un brin provocatrice, l’exposition Porno Chic n’est pas une éloge à un mouvement publicitaire né des années 2000, mais bien une nouvelle interprétation de ce terme. Exit les photographies empruntant leur esthétique à la mode, le travail de Lyz Parayzo est bien plus revendicatif. D’ailleurs, le titre de ce nouvel accrochage est inspiré par le livre de l’écrivaine brésilienne Hilda Hilst: Pornô Chic. L’artiste y a trouvé une atmosphère singulière lui donnant envie de créer une série d’oeuvres éveillant en nous des émotions primaires, allant du désir à la répulsion.
Fervente défenseuse de la cause LGBTQ+, elle utilise son corps afin de se positionner politiquement contre la montée de l’extrême droite et homophobie. Il faut mentionner que Lyz Parayzo n’as pas demandé la permission pour entrer dans le milieu de l’art contemporain. En mode ”Guérilla”, l’artiste faisait irruption, au moyen de performances, dans les vernissages alors qu’elle étudiait à l’école des arts visuels Parque Lage à Rio de Janeiro. Dans un climat hostile mis en place par Jair Bolsonaro, l’artiste ne manque pas de courage. Faire entendre sa voix n’est pas toujours synonyme de sécurité: on se souvient de Jean Wyllys, député socialiste brésilien, contraint à l’exil après des menaces de mort juste parce qu’il est homosexuel.
Alcinha de Giletes (Bretelle de rasoir), 2019
Bixinha Circular Hexagonal (Hexagonal Circular Bixinha), 2019
Bouclier féminin
Pour cette deuxième exposition à l’Espace L, l’artiste brésilienne nous propose un travail majoritairement sculptural. La série Bixinha, bestial en français, peut être perçue comme des boucliers, mais peut aussi s’apparenter à des bijoux. Comme une réponse aux agressions que subissent les membres de la communauté queer, ces sculptures aux formes évoquant des scies circulaires sont empreintes à la fois de douceur et de force. Comme si la meilleure défense était la fierté d’être soi-même tout en assumant sa féminité. De cette manière, l’artiste incite à l’apaisement.
Contrairement à un bouclier classique, cette série de sculptures en aluminium est conçue de manière à changer de forme selon où se trouve le spectateur. Bien que leur emboitement rappelle les Stabile monumentaux d’Alexander Calder, les Bixinha puisent leur inspiration dans les sculptures de Lygia Clark. Quant à ses nouvelles pièces, Mobile semi-circulaire (2021), elles prennent de l’ampleur et deviennent mobiles. Parée de cuir rose sur une face de chaque disque, la sculpture incarne encore plus le contraste entre douceur et puissance.
Porno chic
Dans Godemiché Concrète #1 et #2, le terme Porno Chic est répété de manière à dessiner un chapelet anal. Ce martèlement est à l’image des publicités dites Porno Chic, un mouvement initié par Tom Ford dans lequel le matraquage publicitaire avait pour but de dépoussiérer les codes de la haute couture et du prêt-à-porter de luxe, ce qui a profondément marqué l’univers visuel de notre génération. On peut voir dans ces deux sérigraphies l’illustration de la démocratisation de l’usage des sex toys, qui, ces dernières années, jouit d’une connotation nettement plus glamour. D’autre part, l’artiste a su réinterpréter le chapelet anal de manière légère, avec ces lettres roses évoquant de la dentelle.
Godemiché Concrète #1 et #2
Mobile semi-circulaire, 2021
Violet semi-ouvert, 2015
Nouvelle origine du monde
Comme un pied-de nez aux personnes qui considèrent l’homosexualité comme un acte contre-nature, Violet semi-ouvert (2015) de la série Secagem Rapida, bouscule les habitudes de la photographie érotique, par sa revendication évidente mais aussi grâce à sa composition. La posture du personnage est quelque peu inhabituelle, étant donné que la photographie érotique classique a pour coutume de représenter plutôt des modèles lisses dans cette position. D’ailleurs, cette photo a été censurée lors des premières expositions de Lyz Parayzo. Le fait que l’artiste se trouve dans la forêt laisse à penser qu’il n’y a rien de plus naturel que d’aimer des deux côtés. Jouant avec les stéréotypes que l’on se fait d’une personne gay, l’artiste fait voler en éclats les préjugés et la haine qui malheureusement perdurent.