Retour vers la peinture
Mise au placard durant cette dernière décennie, la peinture fait un retour en force ces dernières années. Toujours pratiquée par de nombreux artistes contemporains, elle cristallise un besoin d’authenticité engendré par des années d’errance utopique où l’on se disait que le plastique c’est magnifique.
En 2019, le peinture représentait 68% du chiffre d’affaire du marché de l’art contemporain. Lors de la dernière édition d’art genève (2020), les oeuvres picturales étaient fortement majoritaires. Il y a quelques années, avec l’essor des nouvelles technologies, de nombreux artistes comme Hito Steyerl se sont tournés vers la vidéo (The Sun Factory, 2015) et les images de synthèse afin de créer des oeuvres immersives interactives. Il est naturel de vouloir explorer tout ce qui est nouveau, à la manière dont les premiers artistes abstraits ont déconstruit la peinture, de même que l’a fait le mouvement Dada avec la sculpture en introduisant les readymades.
Le plastique c’est magnifique
Dans les année 60, la tendance en matière de mobilier est au plastique. Magnifiquement designés, les formes organiques colorées ont la cote auprès de designers tels que Eero Aarnio ou Eero Saarinen. Ces meubles font écho aux scènes des films de science fiction aux décors futuristes. La recherche spatiale inspire également les créateurs de mode tels que Courrèges et Pierre Cardin, incluant dans leurs tenues des matières novatrices tels que le vinyle. Côté peinture, le Pop art à le vent en poupe. La société de consommation est sublimée par des Warhol ou encore James Rosenqvist. On notera un engouement pour les produits de consommation jetables, les appareils électroménagers grâce à l’arrivée de nouvelles matières telles que le Bakélite, remplaçant ainsi le bois des téléphones. Ces avancées technologiques ont permis aux artistes de créer des sculptures beaucoup plus facilement qu’autrefois et donnent naissance à une foison d’installations inédites.
Les performances initiées par Valie EXPORT, Joseph Beuys ou encore Yoko Ono ont donné un nouveau souffle à l’art avec ces oeuvres immatérielles ne pouvant être conservées que par le biais d’une pellicule. Elles ont fortement contribué à rendre désuète la peinture, poussant les artistes à choquer pour faire changer les mentalités sur des sujets sociétaux tels que la libération de la femme, mais aussi de protester contre des problèmes liés à leur nation. L’art sort ainsi du musée, il est à la portée du grand public. Avec certaines performances, comme ”le baiser artistique” d’Orlan à la Fiac de Paris en 1977, l’art est désacralisé. Il se veut ludique et distrayant.
Un besoin d’authenticité
A notre ère, un notera un grand besoin d’authenticité et un retour à la nature. Contrairement aux années 60, où l’art était en pleine mutation et s’intéressait essentiellement à l’innovation et aux problèmes liés à cette époque, les années 2000 sont marquées par les problèmes environnementaux. On ressent un retour en arrière notamment dans la mode, où les matières nobles et la provenance des vêtements devient un critère important dans le choix du consommateur. De plus en plus de maisons de couture proposent des collections capsules, limitant la production de masse et luttant contre l’homogénéité. Si l’on regarde les collections de la maison Gucci, on notera un grand changement depuis Tom Ford. Frida Gianini a insufflé un côté bohème à la marque et Alessandro Michele à introduit une multitude de séries limitées et micro-collections dans les accessoires de la maison. Aujourd’hui, bon nombre de personnes privilégient les objets uniques afin de se démarquer des autres. Aussi, les modes de consommation ont bien changé durant ces trente dernières années. Le respect de l’environnement et les prises de consciences éthiques influencent les habitudes, incitant à soutenir les petits créateurs ainsi que les commerces de proximité.
Génération Y
En 2019, 74% des peintures vendues avaient un prix inférieur à 5’000 dollar. Le marché de l’art étant devenu spéculatif, de nombreux jeunes banquiers font l’acquisition de toiles qui prendront de la valeur sur le marché secondaire. De plus, ces nouveaux collectionneurs privilégiant les tableaux, une valeur sûre, ne possèdent pas encore beaucoup d’oeuvres, contrairement à leurs aînés, peinant à trouver de la place à leurs murs. En effet, lorsque l’on possède plus d’une centaine de peintures, on cherche aussi à diversifier sa collection en l’agrémentant de pièces inédites telles que des installations. Bien sûr, nous avons aujourd’hui plus de recul sur le vieillissement d’une oeuvre traditionnelle que sur une sculpture en sang humain de Marc Quinn, Self (1991). De ce point de vue, les tableaux sont en principe plus facile à conserver.
Ce qui est le plus frappant est sans doute la recrudescence de l’art figuratif. Remise au goût du jour entre autres par un grand nombre d’artistes asiatiques avec le street art, elle revient en force ces dernières années. Avec leur approche très graphique, les artistes de street art on apporté un coup de jeune à la peinture et au pop art. Plus proche de la nouvelle génération de collectionneurs qui écoute sans doute plus volontiers du hip hop que les symphonies d’Antonín Dvořák, le street art démocratise à nouveau l’art, comme l’avait fait autrefois Basquiat et Roy Lichtenstein. De nos jours, Shepard Fairey et Banksy révolutionnent le pop art à leur tour. Les toiles figuratives sont fortement représentées chez les artistes asiatiques tels que Takashi Murakami et Yoshitomo Nara qui, eux aussi, s’inspirent de la culture manga ayant bercé les millennials.