Zofia Pałucha: négatifs narratifs

par 7 janvier 2024À la une, Art contemporain

Dans des mises en scène aux couleurs inversées, les dernières toiles de Zofia Pałucha narrent des instants de vie provenant de sources diverses. L’artiste polonaise nous livre une œuvre engagée autour des préoccupations de notre société actuelle.

Zofia Pałucha travaille essentiellement avec des images trouvées qu’elle détourne à l’aide de son smartphone. L’écoute de podcasts politiques, sociétaux et culturels durant sa pratique artistique constitue une partie intégrante de sa méthodologie de travail. Influencée notamment par Marlene Dumas et Luc Tuymans, l’artiste tente de refléter les conditions de vie et la santé mentale des jeunes générations. Ses peintures à l’huile, principalement traitées en négatif dépeignent la fragilité des êtres dans le monde réel et digital.

Dans Gorgeous Couple Gets Wild (2023), l’artiste polonaise nous immerge dans les espérances et les combats autour des questions lgbtqia+, mais aussi de la liberté des femmes à s’épanouir pleinement dans leur sexualité. Les deux protagonistes se tiennent la main dans ce que l’on pourrait imaginer être une manifestation en faveur du mariage pour tous. Éminemment politique, cette toile touche à l’intime et l’essence même de la liberté. Le fait qu’une des deux femmes soit dénudée rappelle La liberté guidant le peuple. On retrouve d’ailleurs souvent des clins d’œil à l’histoire de l’art classique et contemporain dans le travail de Zofia Pałucha.

Gorgeous Couple Gets Wild, 2023

Dans Power Without Abuse Looses Its Charm (2022), on ne peut s’empêcher de penser à la performance Action Pants: Genital Panic (1969) de Valie EXPORT, par la posture de la protagoniste, mais aussi par le renversement de pouvoir. Cette femme assise dans un fauteuil roulant, dont les membres immobilisés par le plâtre pourraient suggérer un assujettissement total, semble plutôt dégager une puissance inégalable. Dans cet anasyrma espiègle, elle démontre qu’elle seule est maîtresse de son corps.

L’équilibre entre la fragilité et la force se ressent dans les peintures de Zofia Pałucha. La manière dont elle choisit d’inverser les couleurs des images leur confère un sens nouveau, les rendant parfois insaisissables. Les titres de ces œuvres proviennent la plupart du temps de traités philosophiques qu’elle détourne. Pour Choosing the Margin as a Space for Radical Openness and Possibility (2023), il s’agit d’un texte de Bell Hooks (Choosing the Margin as a Space for Radical Openness). Ici, l’artiste laisse une porte de sortie où le personnage central du tableau pourrait échapper à ces bourreaux.

Focus on Sanity, à découvrir jusqu’au 27 janvier à la galerie pact.

Power Without Abuse Looses Its Charm, 2022

Choosing the Margin as a Space for Radical Openness and Possibility, 2023

Beginning of the World, 2023

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