L'image du jour
Parfois, une image vaut bien plus que mille motsL’image du jour: “There are no homosexuals in Iran” de Laurence Rasti
”En Iran, nous n’avons pas d’homosexuels comme dans votre pays” , déclarait l’ancien président iranien Mahmoud Ahmadinejad le 24 septembre 2007 à l’université de Colombia. Cette phrase n’est pas entrée dans l’oreille d’un sourd, puisque l’artiste d’origine iranienne Laurence Rasti sort un livre intitulé There Are No Homosexuals in Iran en 2017. Dans cet ouvrage, on retrouve des portraits de couples homosexuels iraniens ayant fuit le pays pour vivre leur amour librement ainsi que leurs témoignages recueillis par l’artiste. Les couples photographiés se sont réfugiés à Denizli en Turquie, seul moyen de vivre leur amour au grand jour, l’homosexualité étant passible de mort en Iran. Seule la trans-sexualité est tolérée, puisqu’elle est considérée comme une pathologie. On retrouve le végétal, fil rouge de l’exposition à travers les motifs des tissus, mais aussi par les plantes présentes sur les photos qui, tout en masquant l’identité des couples, renforcent le sentiment que leur amour est tenu de demeurer secret. Sur une des photos, l’un des protagonistes porte d’ailleurs des vêtements à l’imprimé camouflage. Ayant grandi et étudié en Suisse, l’artiste s’interroge sur les questions identitaires et culturelles qui régissent ses deux pays. Par son métissage, elle est encore plus confrontée aux différences qui subsistent entre Orient et Occident. Ici, la nature s’exprime aussi par le désir de révéler sa véritable nature. Au delà des motifs végétaux, elle est omniprésente sur chaque cliché, évoquée d’une manière poétique empreinte de légèreté.
L’image du jour: Interaction de Sofia Yeganeh
Et si les émotions se manifestaient de manière colorimétrique. Dans sa pratique, l’artiste anglo-iranienne Sofia Yeganeh explore les thèmes identitaires liés au corps humain et à la nature de façon personnelle. Elle s’intéresse plus particulièrement au corps féminin dans Interaction où l’enveloppe charnelle s’exprime librement grâce aux mesures d’une caméra thermique. Les silhouettes sont soulignées et traversées de broderies, un savoir-faire ancestral très présent dans l’art contemporain iranien. Cet ajout de médium crée alors une interaction entre les éléments de l’œuvre, mais aussi entre le passé et le présent. Ici, on imagine que ces esquisses de fil fonctionnent comme des ondes musicales venant casser le rythme de la composition. Dans un swing acidulé, une jeune femme danse au son des couleurs, la chaleur émanant de son for intérieur réchauffe les nuances bleutées de la toile qui se mue ainsi en une partition de musique populaire.
L’image du jour: Slippery Descent de Will Cotton
Et si le Far West se parait de couleurs tendres et que les cowboys chevauchaient des licornes ? Serions-nous dans l’utopie d’un monde meilleur ? Certainement ! Mais en attendant, il faudra se contenter des toiles de l’artiste américain Will Cotton. Véritable satire à la fois douce et acidulée de la pop culture, Slippery Descent bouscule les codes du mythe américain. Dans une chevauchée onirique, un cowboy hypersexualisé descend une pente glissante où les rochers devenus crème glacée sont ornés de « Froot Loops ». Sommes-nous dans l’expression d’un désir gourmand où l’orgasme serait symbolisé par des douceurs industrielles ? Une chose est certaine, l’artiste mêle avec brio les codes queer au rêve américain, réinventant ainsi une nouvelle iconographie populaire.
L’image du jour: Anguèli de Moufouli Bello
Avec Anguèli, l’artiste béninoise Moufouli Bello nous entraîne dans un univers aux couleurs acidulées. Depuis longtemps, l’artiste s’intéresse aux inégalités sociales, mais aussi à la place de la femme noire dans la société. Elle a pour habitude de prendre pour modèle des femmes de son entourage, qu’elle peint dans des tons bleutés. Souvent, un élément se distingue par ses teintes chaudes, contrastant ainsi l’ensemble de la composition. Dans Anguèli, une femme aux ailes d’ange nous observe droit dans les yeux. Le spectateur est confronté directement au regard de la protagoniste et ne peut s’en soustraire. De la sorte, il se crée une proximité avec ce dernier. l’artiste s’affranchi des représentations habituelles de la femme africaine portant une amphore ou un enfant. Les femmes de Moufouli Bello sont fortes, libérées de tout cliché.
L’image du jour: Ewa Juszkiewicz
Parfois, l’histoire de l’art s’évertue à réparer l’invisibilisation et le manque de reconnaissance dont des centaines d’artistes femmes ont été victimes durant des décennies. Est-ce pour ces raisons qu’Ewa Juszkiewicz substitue les visages de ses portraits féminins par des fleurs? Y-a-til un élan féministe dans le geste de mettre en avant la peinture de Élisabeth Vigée Le Brun et Adélaïde Labille-Guiard, bien moins mises en lumière que leurs confrères masculins. Une chose est certaine, Ewa Juszkiewicz n’a rien à envier aux maîtresses de la nature morte dont elle s’inspire telles que Clara Peeters et Margareta Havermandont. De cette manière, elle met à la fois en lumière le manque de visibilité des femmes ayant marqué l’histoire, tout en rendant hommage aux femmes artistes.
L’image du jour: Le ciel est par-dessus le toit de Walter Schmid
Walter Schmid dépeint la cruauté de la condition carcérale et le désespoir dans sa dernière exposition personnelle Les geôles de Thanatos chez andata.ritorno. La puissance émanant des oeuvres de l’artiste genevois ne laisse pas indifférent. Le spectateur est comme écrasé par ces toiles monumentales dont le support révèle une certaine fragilité.
L’image du jour: Rosie Gibbens
Détourner les objets usuels pour en révéler leur potentiel sexuel, c’est le quotidien de Rosie Gibbens. Des chaises de bureau deviennent partenaires sexuels afin de révéler l’ennui de l’univers administratif. Les tâches ménagères sont tournées en ridicule afin d’en dénoncer leur absurdité et le sexisme qu’elles véhiculent. Dans ses performances, l’artiste britannique donne de sa personne, n’hésitant pas à créer des situations mettant mal à l’aise le spectateur.
L’image du jour: Tapp und Tastkino Biograph de VALIE EXPORT
Le 14 novembre 1968, l’artiste performeuse VALIE EXPORT se tient debout sur la Karlplatz de Munich, au milieu de la foule. Elle porte en guise de vêtement une boîte en carton munie d’un rideau, évoquant un téléviseur cathodique. Dans cette performance intitulée Tapp und Tastkino Biograph, les passants sont invités à passer leurs mains au travers pour toucher sa poitrine. Dans Tapp und Tastkino Biograph, l’espace public devient alors une salle obscure, les mains se substituant aux yeux. La séance, limitée à 30 secondes, est contrôlée par Peter Wiebel, faisant ainsi office d’ouvreur. Sur le Stachus, cette action de rue ne laisse pas indifférent. En cette période où la population est divisée par le conservatisme et la révolution sexuelle, l’œuvre de la performeuse autrichienne ne suscite pas que des réactions positives. Certains iront même jusqu’à la comparer à une prostituée.
L’image du jour: Lyle Reimer
Jouer avec son corps est d’ailleurs une manière de s’approprier son image. C’est ce que fait l’artiste-écrivain canadien Lyle Reimer sur Instagram, en se créant des masques extravagants à partir d’objets recyclés qu’il reçoit. Il s’interroge sur la valeur d’un objet, ce qui fait que l’on décide de s’en débarrasser. Pourquoi ce dernier, si important à nos yeux, peut perdre de sa valeur au fil du temps. Il serait intéressant de faire un parallèle avec l’usure des relations humaines. Telle une prolongation de ces émotions, l’artiste utilise sont visage comme une toile. Avec ses sculptures faciales, il dévoile son moi profond. Ancien maquilleur professionnel, il collabore aujourd’hui avec les plus grandes Maisons de couture. Une revanche sur son enfance passée dans un petit village au Sud du Canada, où les questions de genres et identitaires étaient problématiques. Dans son travail, l’artiste joue avec les codes liés à des univers contradictoires, créant ainsi des personnages aux histoires hors du commun.
L’image du jour: Rebellious Silence de Shirin Neshat
Il y a des images qu’il n’y a plus besoin de présenter: Rebellious Silence (1994) en fait partie. La veille de la journée internationale des droits de la femme, Le Chat Perché tenait absolument à partager cette œuvre, si actuelle et chère à son coeur ♥️. Lorsqu’elle a 17 ans, Shirin Neshat part étudier au États-Unis, mais entre-temps, en 1979, la révolution islamique éclate et elle ne pourra jamais revenir dans son pays d’origine. Dans la série Women of Allah, des récits conceptuels sur les femmes guerrières qui ont combattu cette révolution, l’artiste pose en dévoilant des parties de son corps. Sur chaque cliché, elle inscrit un texte calligraphique en farsi sur les yeux, le visage, les mains, les pieds ou encore la poitrine. Ces textes de poètes iraniens contemporains ont pour sujet le martyre et le rôle des femmes dans la Révolution. En prêtant son corps et en posant, elle assume ainsi le rôle d’interprète. Ces photographies sont devenues des portraits emblématiques militants. Malgré la puissance que dégage les images, chaque regard soumis de femme, suggère une réalité beaucoup plus complexe et paradoxale derrière la surface.
L’image du jour: Cinnamon sky #ariel (girl) de Yannick Lambelet
Chez Yannick Lambelet, le masque fétichiste devient revendicateur d’un type de sexualité que les accessoires fétichistes ont ici pour vocation de rendre visible. Depuis toujours, l’artiste suisse met un point d’honneur à introduire des accessoires BDSM dans ses toiles afin de dépoussiérer les tabous qui subsistent encore autour de la sexualité. Ici l’objet devient porte-parole. Grâce à ses mises en scène picturales, il rend visible des minorités et fait découvrir les codes LGBTQIA+ au grand public. Chez Lambelet, l’accessoire occupe une place centrale. Dans Doggy style (2019), il en devient même le sujet principal, car il relie l’humain à son animalité, avec une touche d’humour que l’on retrouve partout dans son travail de peintre. L’artiste aime également mettre en scène ses protagonistes dans des positions suggérant des actes fétichistes. C’est le cas avec Cinnamon sky #ariel (girl) (2019), où l’ont découvre deux femmes se léchant les pieds avec une insertion de la Petite sirène découvrant pour la première fois son pied. Dans une deuxième lecture, ont découvre que la fétichisation d’une partie de son anatomie lors de l’apprentissage de son corps et l’apprivoisement de sa sexualité vont de pair. Ces sujets, si profond et tabous, sont dédramatisés grâce aux couleurs et à la légèreté avec lequel l’artiste arrive à les illustrer.
L’image du jour: En cascade de Vanessa Riera
Avec une installation monumentale composée de 500 jeans morcelés, Vanessa Riera bouscule nos certitudes en matière de consommation. Telle une réponse à la déferlante de pollution liée à l’industrie de textile, En cascade (2023) vise à nous faire prendre conscience de cette problématique. En effet, nous ne rappellerons jamais assez qu’il nécessite entre 7’000 à 10’000 litres d’eau pour la fabrication d’un pantalon en denim et que du champ de coton au magasin, ce dernier parcourt en moyenne 65’000 kilomètres. A cela s’ajoute le sablage pour les jeans délavés, dont les inhalations provoquent la silicose chez les ouvriers. On retrouve les mêmes intoxications avec la technique du Stone wash, où les jeans sont usés dans une grande machine à laver à l’aide de pierres ponces. Tous ces procédés classent malheureusement le jeans au sommet des pièces les plus polluantes de notre dressing. L’impact de la production textile sur l’environnement et l’humain a conduit Vanessa Riera à utiliser uniquement des pièces d’occasion issues de la fast fashion.
L’image du jour: Cupboard XI (Titi) de Simone Leigh
Présentée à la biennale de Venise de 2022 au pavillon américain, Cupboard XI (Titi) mêle savamment le bronze et l’utilisation de matériaux naturels. Avec cette série de sculptures, la lauréate du Golden Lion rend hommage aux travailleuses afro-américaines. Depuis plus de vingt-cinq ans, l’artiste travaille sur la représentation de la femme noire dans la société occidentale en jouant avec les stéréotypes dont elle fait l’objet. Avec grand soin, l’artiste traduit délicatement les traits qui la caractérisent mais qui, malheureusement, la stigmatisent aussi. Ainsi, les cheveux crépus et les lèvres charnues deviennent, entre ses mains, de puissants attributs, symboles de force et de fierté. Lorsqu’elle habille ses femmes de bronze de jupes en raphia, fibre naturelle très utilisée au Congo et au Gabon, ou qu’elle réinterprète les coupoles des maisons des Batammaribas du Togo et des Musgums du Tchad, Simone Leigh crée ce qu’elle appelle une « créolisation des formes ». Elle imbrique ainsi la culture africaine et occidentale dans une seule œuvre, afin d’y faire émerger une histoire commune au-delà des frontières.
L’image du jour: Cripplewood de Belinde De Bruyckere
Berlinde De Bruyckere a représenté la Belgique lors de la biennale de Venise en 2013. Elle y a présenté Cripplewood (2012-2013), une sculpture monumentale de 17 mètres reproduisant le supplice de Saint Sébastien. Ici, le Saint a fusionné avec l’arbre auquel il était normalement attaché. L’artiste trouve beau l’idée de la métamorphose, le fait qu’une entité puisse grandir dans une autre. Cela cristallise pour elle une vision d’espoir et de futur. D’ailleurs, elle explorera ce thème tout au long de sa carrière, tout en s’inspirant de la mythologie Gréco-romaine et des scènes bibliques.
L’image du jour: Par les yeux de la louve de Muriel Rodolosse
L’artiste française nous entraîne dans un paysage sylvestre où le toxique se mêle au comestible. Une foison d’éléments aux couleurs vives émerge d’une forêt de bouleaux dont la densité semble augurer un sombre présage. Une femme louve se fond dans le décor oscillant entre les éléments, comme si ces derniers la portaient ou la faisaient tomber en même temps. Fidèle à sa technique de prédilection, l’artiste peint ”à l’envers” sur des panneaux de plexiglas monumentaux. En effet, au lieu de commencer par le fond, Muriel Rodolosse s’attèle aux détails, puis ajoute le reste de la composition par couches successives. D’ailleurs, elle explique procéder dans le même ordre que lorsque l’on contemple une personne: on commence par regarder son visage, les vêtements qu’elle porte puis pour finir le décor. De cette manière, l’artiste crée des images de la même façon que l’on perçoit notre environnement.
In Silico n°27 de Sébastien Mettraux à ArtGenève
Végétaux célestes
Préoccupé depuis longtemps par les enjeux environnementaux, Sébastien Mettraux a été marqué par la canicule qui a frappé l’Europe, changeant la physionomie de sa région natale. Etangs disparus, collines verdoyantes devenues jaunes ou animaux amaigris sont autant de signes augurant un point de non retour. D’ailleurs les dernières toiles d’In Silico se font plus aériennes, on a l’impression que les structures végétales et organiques, voire minérales, s’évaporent dans les cieux. Comme si les derniers signes de vie sur Terre avaient rendu l’âme et ne subsistaient que dans le monde virtuel. Dans ce cas de figure, l’humain ne pourrait contempler la nature qu’il a détruite que par le prisme du Metaverse, un monde où les fractales seraient générées par un code et les éléments de la nature se mueraient en une abstraction, sans pour autant l’atteindre réellement.
L’image du jour: A Doll’s House de Arvida Byström
Arvida Byström s’approprie la Love Doll à la manière d’un marionnettiste. Dans A Doll’s House (2022), l’artiste suédoise se met en scène avec Harmony, la tristement célèbre poupée sexuelle AI fabriquée par Realdolls, reproduisant tantôt la Pietà de Michelangelo tantôt des poses sexy. La poupée est à la fois sujet et objet. Parfois on confond l’artiste avec cette dernière. Arvida Byström étant une digitale native, elle s’interroge sur la robotisation de l’humain, notamment sur les présences féminines issues de l’intelligence artificielle tel que Siri dans notre vie courante…
L’image du jour: Agata Wieczorek
Dans son dernier film, Agata Wieczorek met en scène une Love Doll. Tourné en 2021, alors que l’artiste était étudiante au Studio national des arts contemporains Le Fresnoy, cette vidéo stop-motion a nécessité 14 heures de travail par jour durant plus de deux semaines. Ici, la poupée prend vie, on l’entend haleter et fredonner. Sur son lit, elle semble songeuse, voire même en train de fantasmer. Ses mains, premier indice révélant son artifice, descendent langoureusement le long de son abdomen…
L’image du jour: This Will Not End Well de Nan Goldin
Nan Goldin est l’une des artistes les plus discutées et les plus controversées de notre époque. Dans six salles au design unique, l’exposition rétrospective “Ça ne finira pas bien” est présentée. Découvrez le talent artistique de Nan Goldin sous la forme d’un diaporama avec son et musique, où des milliers de photographies sont disposées dans des histoires d’amour, d’intimité, de dépendance et de perte. Avec des instantanés non filtrés et tendres de l’intimité et des relations, de la vie quotidienne, des fêtes sauvages et de la lutte entre l’indépendance et la dépendance, Nan Goldin a marqué notre époque de manière inoubliable. “This Will Not End Well” embrasse, en tant que première exposition, la vision originale de Goldin de la façon dont son œuvre doit être vécue. En se concentrant entièrement sur des diaporamas et des installations vidéo, l’exposition revient aux racines de l’art de Goldin.
Shopping list: Marché de Noël artistique
Pour les fêtes de fin d’année surprenez votre entourage en offrant des cadeaux originaux tout en soutenant les galeries et créateurs locaux. Le Chat perché a sélectionné pour vous des créations d’artistes et auteurs qui lui tiennent à coeur!